Federal electoral districts redistribution 2022

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Révision de la carte électorale fédérale au Nouveau-Brunswick : Le statu quo comme garant de l'avenir :

Pré-mémoire de la Société de l'Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB), présenté à la Commission de délimitation des circonscriptions électorales fédérales pour le Nouveau-Brunswick

Petit-Rocher (Nouveau-Brunswick), le 28 mars 2022

Sommaire

L'objet de ce pré-mémoire est de porter à l'attention de la Commission certains concepts qui à notre avis doivent constituer la toile de fond de tout redécoupage des circonscriptions électorales fédérales pour le Nouveau-Brunswick. À l'heure actuelle, avec trois circonscriptions majoritairement francophones (Acadie-Bathurst, Beauséjour, Madawaska-Restigouche), une bilingue (Moncton-Dieppe-Riverview), et six, majoritairement anglophones (Fredericton, Fundy-Royal, Miramichi-Grand-Lake, Nouveau- Brunswick-Sud-Ouest, Saint-John-Rothesay, Tobique-Mactaquc), nous sommes d'avis que la répartition des circonscriptions électorales fédérales respecte, en grande partie, les principes que nous décrirons ci- dessous et nous émettons le souhait qu'il en soit ainsi également à la fin du présent exercice de révision.

Voici les grandes lignes de ces principes.

A. Article 3 de la Charte canadienne des droits et libertés

Le point de départ de toute révision des circonscriptions électorales fédérales ou provinciales est l'article 3 de la Charte canadienne des droits et libertés 1 prévoit : « Tout citoyen canadien a le droit de vote et est éligible aux élections législatives fédérales ou provinciales. »

On peut résumer comme suit l'approche canadienne en matière de représentation électorale qui découle de cet article :

  1. un rejet de l'approche américaine fondée sur le principe « d'une personne, un vote »;
  2. une validation de la proposition que le droit de vote tel que reconnu dans la Charte vise le droit à une représentation effective et non le principe de la parité ;
  3. une mise en place d'une parité relative et non absolue du pouvoir de vote comme la condition principale de la représentation effective; et
  4. l'acceptation de certains écarts par rapport à l'égalité électorale stricte.

La question de la représentation au sein du Parlement et des assemblées législatives canadiennes est depuis longtemps un sujet de préoccupation au Canada, et elle a engendré un certain nombre de contestations judiciaires dont l'une a mené à la décision de la Cour suprême du Canada dans le Renvoi relatif aux circonscriptions électorales provinciales (Sask.) 2.

Dans cette affaire, la Cour suprême du Canada devait statuer sur la validité des moyens par lesquels les circonscriptions sont créées au Canada, à la lumière, entre autres, de l'article 3 de la Charte, du poids constitutionnel qu'il faut accorder au principe de « une personne, un vote » et des facteurs, autres que démographiques, qui peuvent être utilisés pour déterminer les dimensions des circonscriptions électorales. La Cour s'est ainsi vue confier la tâche d'examiner et d'évaluer certains aspects fondamentaux du système de représentation parlementaire canadien.

Dans la décision Carter, la Cour suprême du Canada était appelée se prononcer sur l'opinion qu'avait émise la Cour d'appel de la Saskatchewan. En effet, celle-ci avait conclu que les modifications proposées à la délimitation des circonscriptions électorales de cette province portaient atteinte à l'article 3 de la Charte. La Electoral Boundaries Commission Act de la Saskatchewan imposait un quota strict pour les circonscriptions urbaines et rurales et exigeait que la délimitation des circonscriptions urbaines coïncide avec celle des municipalités existantes. La carte électorale qui en a résulté, à la différence de celle qu'elle remplaçait, comportait un certain nombre de circonscriptions électorales dont le quotient s'écartait de plus de 15 pour 100 du quotient provincial et révélait un problème de sous-représentation dans les zones urbaines.

La Cour suprême du Canada était, plus spécifiquement, saisie de deux questions :

  1. les différences entre le nombre d'électeurs dans les circonscriptions électorales constituent-ils une atteinte aux droits garantis par la Charte et, dans l'affirmative, de quelle manière ;
  2. la répartition des circonscriptions entre zones urbaines, rurales et du Nord viole-t-elle les droits garantis par la Charte et, dans l'affirmative, en quoi ces droits sont-ils violés?

Ces questions comportaient aussi celle de savoir si, le cas échéant, ces négations de droits étaient justifiées par l'article premier de la Charte.

La Cour suprême explique dans cette décision qu'elle doit donner au droit de vote garanti par la Charte un sens large, fondé sur l'objet visé et qui tienne compte du contexte historique et social. Elle ajoute que la Cour doit rechercher la philosophie générale qui sous-tend l'évolution historique du droit de vote tout en gardant à l'esprit certaines considérations pratiques, comme la géographie sociale et physique. Dans cette démarche la Cour doit également être guidée par l'idéal de la « société libre et démocratique » qui fonde la Charte.

Les questions que la Cour suprême avait à résoudre dans la décision Carter peuvent se résumer à une seule phrase: dans quelle mesure, s'il en est, le droit de vote consacré par la Charte permet-il de s'écarter du principe de « une personne, un vote»? La Cour explique que la réponse à cette question tient à ce que l'on considère être l'objet de l'article 3. Ceux qui partent de la prémisse voulant que cet article ait pour but de garantir l'égalité du pouvoir électoral sont d'avis que seule une déviation minime de cet idéal pourrait être possible. Selon les tenants de cette interprétation, la seule déviation permise de l'idéal de

l'égalité tiendrait à la difficulté matérielle de garantir que le nombre des électeurs dans chaque circonscription sera mathématiquement égal le jour du scrutin.

Par contre, ceux pour qui l'objet de l'article 3 est de garantir une « représentation effective » considèrent que le droit de vote comprend plusieurs facteurs autres que celui du simple nombre d'électeurs. Adoptant cette approche, la Cour suprême conclut que l'objet du droit de vote garanti à l'article 3 de la Charte n'est pas l'égalité du pouvoir électoral, mais plutôt le droit à une « représentation effective » :

Notre démocratie est une démocratie représentative. Chaque citoyen a le droit d'être représenté au sein du gouvernement. La représentation suppose la possibilité pour les électeurs d'avoir voix aux délibérations du gouvernement aussi bien que leur droit d'attirer l'attention de leur député sur leurs griefs et leurs préoccupations; comme il est dit dans l'arrêt Dixon v. B.C. (A.G.) [...] les représentants élus exercent deux rôles - un rôle législatif et celui que l'on qualifie de "ombudsman." (C'est nous qui soulignons.)

Quelles sont donc les conditions de ce principe de la représentation effective? La première est évidemment la parité relative du pouvoir électoral. Ainsi, selon la Cour suprême, un système qui diluerait indûment le vote d'un citoyen comparativement à celui d'un autre, courait le risque d'offrir une représentation inadéquate au citoyen dont le vote a été affaibli. La conséquence serait une représentation inégale et, par conséquent, non équitable. Toutefois, bien que la parité du pouvoir électoral soit d'importance primordiale, elle ne peut pas être le seul facteur à prendre en compte pour assurer une représentation effective, d'autant plus que la parité absolue est impossible. En effet, comme l'explique la Cour suprême, il n'est pas possible de fixer les limites des circonscriptions de façon à garantir exactement le même nombre d'électeurs dans chaque district. Même à l'aide de recensements fréquents, la parité électorale demeure un objectif impossible à atteindre. Il se peut également que cette parité ne soit pas nécessairement souhaitable si elle a pour effet de faire obstacle au principe de la représentation effective. La cour précise :

Des facteurs tels les caractéristiques géographiques, l'histoire et les intérêts de la collectivité et la représentation des groupes minoritaires peuvent devoir être pris en considération si l'on veut que nos assemblées législatives représentent effectivement la diversité de notre mosaïque sociale. Ce ne sont là que des exemples de considérations qui peuvent justifier une dérogation à l'égalité absolue des votes dans la poursuite d'une représentation plus effective; la liste n'est pas exhaustive. (C'est nous qui soulignons.)

Cette interprétation du sens du droit de vote prévu à l'article 3 est conforme aux principes généraux d'interprétation de la Charte:

La règle primordiale, et la plus importante, est que le droit doit s'interpréter conformément à son objet. [...] [P]eu de choses dans l'histoire ou la philosophie de la démocratie canadienne permettent de croire que les rédacteurs de la Charte visaient principalement, en édictant l'art. 3, à atteindre la parité électorale. Cet objet serait un rejet du système actuel de la représentation électorale au Canada. Les circonstances qui ont mené à l'adoption de la Charte contredisent toute intention de rejeter les institutions démocratiques existantes. Comme on l'a dit dans l'arrêt Dixon, précité, à la p. 412: [TRADUCTION] "On ne trouve pas trace de la mention d'une réforme institutionnelle aussi fondamentale au cours des conférences qui ont précédé l'adoption de la Charte. La question n'a été soulevée par aucun des nombreux groupes d'intérêt qui ont présenté des observations sur le droit de vote au cours des longues séances du Comité mixte du Sénat et de la Chambre des communes sur la [future] Charte". Deux systèmes électoraux distincts étaient proposés aux rédacteurs de la Charte: la règle dite "une personne, une voix" adoptée par la Cour suprême des États-Unis dans les arrêts Baker v. Carr, [...], Karcher v. Daggett, [...], et Kirkpatrick v. Priesler, [...], ou l'approche moins radicale et plus pragmatique qui a évolué en Angleterre et dans notre pays au cours des siècles et qui était alors appliquée. En l'absence de preuve contraire (comme on peut en trouver aux États-Unis dans les discours des rédacteurs de la Constitution américaine), nous aurions tort de déduire qu'en consacrant le droit de vote dans notre Constitution écrite, le législateur entendait adopter le modèle américain. Au contraire, nous devrions présumer que son but était de reconnaître le droit affirmé dans notre pays depuis l'époque du premier de nos premiers ministres, Sir John Macdonald, le droit à la représentation effective au sein d'un système accordant la considération voulue à l'égalité des électeurs, tout en admettant au besoin d'autres considérations.

La Cour suprême aborde par la suite l'historique du droit de vote au Canada. Selon la Cour, cet historique étaye la conclusion que ce droit ne vise pas l'atteinte d'une égalité absolue des électeurs. Faisant écho aux propos qu'elle avait tenus dans l'arrêt Dixon c AGBC (1989), 59 DLR (4 th) 247, alors qu'elle siégeait à la Cour d'appel de la Colombie-Britannique, la juge McLachlin conclut que la démocratie canadienne a une tradition différente de celle de la démocratie américaine, une tradition qui prend racine dans le principe de la représentation effective et non dans celui de la parité absolue ou presque absolue du nombre des électeurs. Elle précise cependant que cela ne signifie pas que les inégalités de notre système électoral doivent être acceptées simplement parce qu'elles ont un précédent historique. L'histoire a son importance dans la mesure où elle indique que la philosophie sous-tendant l'évolution du droit de vote dans notre pays est l'objectif général de la représentation effective, mais elle ne peut servir à justifier la survivance d'anomalies et d'abus historiques.

Ce n'est là, selon elle, qu'un des nombreux facteurs susceptibles de commander une dérogation à la règle « une personne, une voix » dans l'intérêt d'une représentation effective.

La Cour suprême conclut que les valeurs et les principes qui animent une société libre et démocratique sont mieux servis par une définition qui place la représentation effective au cœur même du droit de vote. Bien que le respect de la dignité individuelle et de l'égalité sociale exige que les votes des citoyens ne soient pas indûment dépréciés ou dilués, la reconnaissance nécessaire des cultures et des groupes et l'amélioration de la participation des particuliers au processus électoral et à la société exigent toutefois que l'on tienne également compte d'autres préoccupations. Le concept de la parité absolue du nombre d'électeurs ne s'accorde pas avec l'évolution du droit de vote dans le contexte canadien, et il n'offre pas la flexibilité nécessaire pour faire face aux difficultés d'ordre pratique inhérentes au gouvernement représentatif dans un pays tel que le Canada.

Il est clair que l'article 3 de la Charte et les décisions l'ayant interprété seront au cœur des travaux de révision des limites des circonscriptions électorales qu'entreprendra cette Commission. En appliquant le principe de la représentation effective, cette Commission évitera d'accorder une importance démesurée à la parité du vote au détriment des communautés d'intérêts. Elle pourra ainsi donner une importance suffisante à la dimension linguistique et culturelle surtout en ce qui concerne les communautés de langue française qui dans la province du Nouveau-Brunswick se trouve en situation minoritaire. En effet, les craintes d'une minorité de ne pas être adéquatement représentée par son député ne sont pas sans fondement, bien au contraire, puisque la réalité d'une démocratie est qu'un député, partagé entre les besoins de la majorité et ceux d'une minorité, choisira souvent de défendre les intérêts de la majorité.

Par conséquent, les commissaires ont l'obligation de reconnaître et de prendre en considération l'identité culturelle et linguistique d'une communauté minoritaire afin d'accroître la participation de cette communauté non seulement dans le processus électoral, mais également dans la société.

Une autre décision importante est celle qu'a rendue la Cour fédérale dans Raîche c. Canada (Procureur général) 3. Dans l'affaire Raîche, la commission électorale fédérale avait suggéré dans son rapport final que la paroisse d'Allardville et une partie des paroisses de Saumarez et de Bathurst soient transférées de la circonscription électorale fédérale d'Acadie-Bathurst à celle de Miramichi afin de respecter l'écart de 10 % dans le quotient électoral que la commission s'était fixée. Dans le processus de son travail, la Commission avait tenu des audiences publiques et avait reçu des observations et commentaires des collectivités sur les changements proposés. Lors de l'audience publique pour la circonscription de Miramichi, la Commission a reçu deux présentations sur six qui traitaient spécifiquement des changements susmentionnés. Une présentation appuyait les recommandations de la Commission, tandis que l'autre était contre. Lors de l'audience publique pour la circonscription d'Acadie- Bathurst, les membres de la Commission ont reçu 18 présentations des membres du public, dont 14 traitaient spécifiquement des changements susmentionnés. Ces présentations revendiquaient le maintien des paroisses d'Allardville, de Saumarez et de celle de Bathurst dans la circonscription d'Acadie-Bathurst. Les intervenants favorisaient le maintien du statu quo en invoquant les notions de communauté d'intérêts et de spécificité. Plusieurs ont élaboré sur ces notions, en soutenant qu'il est difficile d'imaginer une région qui soit plus linguistiquement homogène et culturellement distincte et avec autant d'histoire, que celle d'Acadie-Bathurst.

Dans son rapport, la Commission a néanmoins maintenu sa recommandation que la paroisse d'Allardville et une partie des paroisses de Saumarez et de Bathurst soient transférées de la circonscription électorale fédérale d'Acadie-Bathurst à celle de Miramichi. Après avoir étudié, entre autres, les oppositions du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre des communes, la Commission a décidé de réviser sa recommandation et de réintégrer la paroisse de Saumarez et une partie de la paroisse d'Allardville, incluant Saint-Sauveur, à la circonscription d'Acadie-Bathurst. La paroisse de Bathurst et une partie de la paroisse d'Allardville restaient toutefois dans la circonscription de Miramichi. La Commission expliquait, entre autres, qu'il y avait déjà une minorité acadienne suffisamment forte à Miramichi pour pouvoir donner une voix aux paroisses qui seraient transférées d'Acadie-Bathurst à Miramichi.

La Cour fédérale ayant analysé l'ensemble de la preuve a estimé que la Commission n'interprétait pas bien l'esprit de la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales 4. La Cour précise que si la Commission avait le droit de décider que, comme principe général, l'écart des circonscriptions ne devait pas dépasser 10 %, elle n'avait pas cependant examiné s'il y avait des circonscriptions où, vu la communauté d'intérêts ou la géographie de la région, il serait souhaitable de déroger à ce principe général.

La raison donnée par la Commission pour transférer les paroisses de Saumarez, Allardville et Bathurst à la circonscription de Miramichi était que l'écart entre Acadie-Bathurst et Miramichi était trop grand par rapport au quotient électoral. Les chiffres étaient donc la seule et unique raison pour ajouter ces régions à la circonscription de Miramichi. Dans sa décision, la Cour fédérale conclut que la Commission n'avait pas expliqué très clairement comment elle en était arrivée à la conclusion qu'il y avait une communauté d'intérêts entre les régions transférées et Miramichi. Il est vrai que la Commission avait indiqué que soit la minorité acadienne à Miramichi a déjà une représentation effective, soit l'ajout de ces collectivités acadiennes à Miramichi donnerait lieu à une représentation effective de la minorité. Toutefois, la Cour considère ces constatations comme problématiques.

En effet, la preuve démontrait que la minorité acadienne à Miramichi n'avait pas de représentation et que la région offrait fort peu de services en français. De plus, des résidents de villages acadiens transférés dans le recoupage précédent de Beauséjour, une circonscription francophone, à Miramichi, avaient témoigné qu'ils souhaitaient être réintégrés à Beauséjour parce qu'ils n'avaient rien en commun avec la collectivité de Miramichi. Vu cette preuve, la Cour ne voyait pas comment la Commission avait pu conclure que la collectivité acadienne de Miramichi jouissait d'une représentation effective.

La conclusion que l'ajout de collectivités francophones à la communauté acadienne de Miramichi donnerait plus de poids à celle-ci était tout aussi problématique pour la Cour fédérale. Le problème apparaissait lorsqu'on comparait les pourcentages des francophones et des anglophones avant et après le transfert des paroisses de Saumarez, Allardville et Bathurst. En 2001, avant que les paroisses soient transférées, le pourcentage des anglophones était de 63 % et le pourcentage des francophones de 34 %. Après le transfert, il était prévu que le pourcentage des anglophones passerait à 64 % tandis que le pourcentage des francophones se situerait à 33 %. Le pourcentage d'Acadiens ne changerait donc pas avec l'ajout des paroisses et leur pouvoir non plus.

Il est vrai que la formation des communautés d'intérêts et l'augmentation de pouvoir politique d'une collectivité dépendent d'un grand nombre de facteurs et ne se produisent pas simplement parce qu'une collectivité atteint une masse critique. Toutefois, comme le constate la Cour, le fait d'ajouter d'autres membres de la collectivité à la circonscription en espérant qu'une représentation effective s'ensuivrait ne découle pas d'une analyse rationnelle, mais plutôt du jeu de hasard.

Après avoir évalué l'ensemble de la preuve, la Cour fédérale conclut que la Commission n'avait pas respecté la Loi sur la révision. Selon la Cour, quand la Commission a trouvé, dans une première étape, qu'un écart de 10 % par rapport au quotient électoral était raisonnable au Nouveau- Brunswick, elle aurait dû passer à la deuxième étape et examiner s'il était souhaitable de maintenir cet écart au détriment du critère de la communauté d'intérêts. Cette omission de la Commission était suffisante aux yeux de la Cour pour annuler la décision de transférer ces régions dans la circonscription de Miramichi.

Nous soutenons que les conclusions de la Cour fédérale s'appliquent dans le cas des travaux qu'entreprendra la présente Commission.

a) L'article 16.1 de la Charte et l'égalité des communautés linguistiques

Bien que nous reconnaissons qu'il puisse y avoir des arguments voulant que l'article 16.1 de la Charte canadienne des droits et libertés ne lie pas les institutions fédérales, dont cette commission et sans vouloir débattre de cette question dans le présent pré-mémoire, nous soutenons toutefois que si la lettre de la disposition peut faire l'objet du débat ci-dessus mentionné, son esprit ne devrait pas lui faire objet de controverse. Il serait pour le moins inapproprié pour une institution fédérale, y compris cette commission, de ne pas tenir contre de cette spécificité constitutionnelle de la seule province officiellement bilingue au pays. Voilà pourquoi, nous croyons essentiel de consacrer un peu temps pour en expliquer la portée.

L'article 16.1 de la Charte garantit le droit à l'égalité des deux communautés linguistiques du Nouveau-Brunswick et stipule ce qui suit :

16.1 (1) La communauté linguistique française et la communauté linguistique anglaise du Nouveau-Brunswick ont un statut et des droits et privilèges égaux, notamment le droit à des institutions d'enseignement distinctes et aux institutions culturelles distinctes nécessaires à leur protection et à leur promotion.

(2) Le rôle de la législature et du gouvernement du Nouveau-Brunswick de protéger et de promouvoir le statut, les droits et les privilèges visés au paragraphe (1) est confirmé.

Comme toutes les autres dispositions de la Charte, l'article 16.1 commande une analyse téléologique et contextuelle. L'article 16.1 doit donc être interprété en fonction de son objet et à la lumière d'une diversité de facteurs contextuels 5.

Dans cette partie de notre pré-mémoire, nous dégagerons dans un premier temps le sens et l'objet des droits linguistiques constitutionnels. Deuxièmement, nous soulignerons le contexte juridique particulier dans lequel s'inscrit l'article 16.1, c'est-à-dire le régime linguistique unique du Nouveau-Brunswick. Troisièmement, nous nous attarderons plus particulièrement à l'objet, au contenu et à la portée de l'article 16.1. Finalement, nous évaluerons la pertinence de l'article 16.1 dans l'exercice de délimitation des circonscriptions électorales.

1) L'objet des droits linguistiques constitutionnels

Les droits linguistiques constitutionnels sont des droits fondamentaux qui commandent une interprétation tout aussi large et téléologique que les autres droits et libertés protégés par la Charte. C'est notamment ce que précise le principe d'interprétation des droits linguistiques énoncé par la Cour suprême du Canada dans R. c. Beaulac6 6 :

Les droits linguistiques doivent dans tous les cas être interprétés en fonction de leur objet, de façon compatible avec le maintien et l'épanouissement des collectivités de langue officielle au Canada. (Souligné dans l'original).

Par ailleurs, les droits linguistiques ont pour corollaire une obligation positive d'agir pour l'État. S'ils sont de nature individuelle, les droits linguistiques s'exercent toujours au sein d'une collectivité. C'est pourquoi les droits linguistiques ont une dimension collective et ne peuvent être exercés que si certains moyens sont mis à la disposition de la collectivité et de l'individu. Comme l'explique le juge Bastarache dans Beaulac, précité:

Les droits linguistiques ne sont pas des droits négatifs ni des droits passifs; ils ne peuvent être exercés que si les moyens en sont fournis. [...] [L]a liberté de choisir est dénuée de sens en l'absence d'un devoir de l'État de prendre des mesures positives pour mettre en application des garanties linguistiques.

En plus de leur dimension collective, c'est leur caractère réparateur et le principe d'égalité réelle qui justifient l'intervention positive de l'État en matière linguistique. En effet, le caractère réparateur des droits linguistiques reconnaît l'existence d'inégalités historiques et de préjudices subis par la minorité. Dans ce contexte, les droits linguistiques visent à réparer « l'érosion historique progressive des groupes de langue officielle ». C'est pourquoi les gouvernements doivent prendre des mesures positives afin de maintenir et de promouvoir la minorité de langue officielle historiquement désavantagée.

De façon parallèle, le principe d'égalité réelle reflète le caractère réparateur des droits linguistiques. Le principe d'égalité réelle reconnaît qu'il est souvent nécessaire pour le gouvernement d'offrir un traitement différent aux minorités de langues officielles afin de mieux satisfaire leurs besoins et de remédier à des années d'assimilation linguistique et culturelle 7.

Nous soutenons que dans ses travaux, la Commission doit tenir compte de ces principes généraux d'interprétation des droits linguistiques.

2) Le contexte de l'article 16.1

L'article 16.1 s'inscrit dans une série de droits linguistiques constitutionnels garantis spécifiquement au Nouveau-Brunswick. En effet, le Nouveau-Brunswick est la seule province dont le bilinguisme officiel est protégé constitutionnellement aux articles 16(2) à 20(2) de la Charte. Cette réalité juridique établit un contexte important dans l'interprétation de l'article 16.1. Comme l'explique la juge dans R. c. Gaudet 8, le régime linguistique unique du Nouveau-Brunswick est « la toile de fond » sur laquelle doit s'interpréter toute disposition linguistique:

Ceci témoigne de l'importance de l'engagement des Néo-Brunswickois vis-à-vis les droits linguistiques et nécessite donc un respect accru que l'on ne retrouve pas dans les autres juridictions canadiennes. [...]

On ne peut saisir la portée des droits linguistiques reconnus par la Charte si l'on ne tient pas compte du principe fondamental sur lequel reposent tant la politique linguistique mise en œuvre par le Nouveau-Brunswick que l'engagement du gouvernement envers le bilinguisme et le biculturalisme. Le Nouveau-Brunswick a instauré pour les résidents de cette province un régime constitutionnel et légal unique au Canada. C'est donc sur cette toile de fond que doit s'interpréter le paragraphe 20(2) de la Charte. (C'est nous qui soulignons).

C'est également ce régime linguistique particulier qui a mené la Cour d'appel du Nouveau-Brunswick à conclure que le paragraphe 18(2) de la Charte, qui oblige le bilinguisme législatif au Nouveau-Brunswick, s'appliquait aussi aux arrêtés municipaux. En effet, dans Charlebois c. Moncton 9, la Cour d'appel distingue entre l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 10 et le paragraphe 18(2) de la Charte principalement sur la base du contexte juridique et historique propre au Nouveau-Brunswick. La Cour d'appel explique :

[J]'estime que le contexte historique et législatif de l'adoption du paragraphe 18(2) reflète une dynamique linguistique beaucoup plus féconde que celle qui aurait pu inspirer les rédacteurs de l'art. 133 à l'époque de la Confédération. Le principe de l'égalité de statut réelle des langues officielles et des deux communautés linguistiques officielles inscrit aux articles 16 et 16.1 et le corollaire que les droits linguistiques qui en découlent exigent des mesures gouvernementales pour leur mise en œuvre et créent des obligations pour le gouvernement n'ont rien à voir avec les garanties linguistiques minimales prévues à l'art. 133. (C'est nous qui soulignons).

Finalement, le contexte juridique permet également de souligner la particularité de l'article 16.1 de la Charte parmi l'ensemble des garanties linguistiques qui s'y trouvent. En effet, les titulaires des droits conférés par l'article 16.1 sont des communautés, alors que les titulaires des droits conférés par les articles 16 à 20 et 23 sont des individus, bien que le bénéficiaire ultime en soit également la communauté. Cette distinction est importante, car elle met l'accent sur la nature collective et communautaire du droit à l'égalité protégé par l'article 16.1. Comme l'exprime la Cour d'appel du Nouveau-Brunswick dans Charlebois c. Moncton, précité:

L'égalité prévue à l'article 16.1 repose, non plus sur l'égalité des langues comme le prévoit le par. 16(2), mais sur l'égalité des communautés linguistiques française et anglaise du Nouveau- Brunswick. À la différence du par. 16(2), cette disposition comporte donc des droits collectifs dont les titulaires sont les communautés linguistiques elles-mêmes. (C'est nous qui soulignons).

Pour conclure, le contexte juridique néo-brunswickois milite en faveur d'une interprétation large et généreuse de l'article 16.1 et sert à souligner la nature collective unique du droit garanti. Nous soutenons, par ailleurs, que la Commission dans l'exercice de son mandat se doit d'apporter une attention particulière à cette spécificité du Nouveau-Brunswick.

3) L'objet et la portée de l'article 16.1

Il existe peu de jurisprudence ayant interprété directement l'article 16.1. Cependant, le jugement de la Cour d'appel du Nouveau-Brunswick dans Charlebois, précité, est un très bon indicateur de la portée de cette disposition.

Comme les autres droits linguistiques protégés par la Charte, l'article 16.1 possède un caractère réparateur et impose des obligations positives à l'État. En effet, l'arrêt Charlebois est clair à cet égard : l'article 16.1 n'est pas un énoncé de principe abstrait; cette disposition véhicule un droit substantiel qui exige une mise en œuvre concrète:

[Cette disposition] est de nature réparatrice et entraîne des conséquences concrètes. Elle impose au gouvernement provincial l'obligation de prendre des mesures positives destinées à assurer que la communauté de langue officielle minoritaire ait un statut et des droits et privilèges égaux à ceux de la communauté de langue officielle majoritaire. L'obligation imposée au gouvernement découle à la fois de la nature réparatrice du par. 16.1(1), compte tenu des inégalités passées qui n'ont pas été redressées, et de l'engagement constitutionnel du gouvernement de protéger et de promouvoir l'égalité des communautés linguistiques officielles. (C'est nous qui soulignons).

De plus, l'article 16.1 met en œuvre le principe de l'égalité réelle. Ainsi, l'article 16.1 peut exiger un traitement différent afin de promouvoir la minorité linguistique:

Le principe de l'égalité des deux communautés linguistiques est une notion dynamique. Elle implique une intervention du gouvernement provincial qui exige comme mesure minimale l'égalité de traitement des deux communautés, mais, dans certaines circonstances où cela s'avérait nécessaire pour atteindre l'égalité, un traitement différent en faveur d'une minorité linguistique afin de réaliser la dimension collective autant qu'individuelle d'une réelle égalité de statut. Cette dernière exigence s'inspire du fondement même du principe de l'égalité. (C'est nous qui soulignons).

À la lumière de ces précisions, il est clair que l'objet de l'article 16.1 est similaire à ceux des autres droits linguistiques constitutionnels. Il s'agit d'un droit positif et réparateur qui vise l'égalité réelle.

En évaluant la pertinence de l'article 16.1 dans l'exercice de délimitation des circonscriptions électorales, nous soutenons que la Commission doit éviter toute conclusion qui contreviendrait à l'esprit de cet article.

b) Arguments résiduaires

Dans cette partie de notre mémoire, nous traiterons d'un argument fondé sur le principe non écrit de la protection des minorités.

En ce qui concerne le principe non écrit de la protection des minorités, rappelons l'opinion émise par la Cour suprême du Canada dans le Renvoi relatif à la sécession du Québec 11. Dans le Renvoi, la Cour suprême indique, entre autres, que la Constitution canadienne est fondée sur quatre principes directeurs fondamentaux : le fédéralisme, la démocratie, le constitutionnalisme et la primauté du droit, et le respect des droits des minorités. Elle précise que ces principes « inspirent et nourrissent le texte de la Constitution : ils en sont les prémisses inexprimées ». La Cour ajoute qu'ils ont dicté des aspects majeurs de la structure constitutionnelle canadienne et qu'ils en sont la « force vitale ». Elle explique que ces principes « guident l'interprétation du texte et la définition des sphères de compétence, la portée des droits et obligations ainsi que le rôle de nos institutions politiques. » Tout aussi importante, elle ajoute que « le respect de ces principes est indispensable au processus permanent d'évolution et de développement de notre Constitution, cet « arbre vivant » ».

Ainsi, selon la Cour, ces principes ne sont pas simplement descriptifs, ils sont aussi investis d'une force normative et lient à la fois les tribunaux et les gouvernements. Bien qu'ils ne soient pas expressément énoncés dans la Constitution, ils peuvent, en vertu d'une disposition écrite, donner naissance à des obligations juridiques qui fixent des limites importantes à l'action des gouvernements.

Sans vouloir minimiser l'importance des trois autres principes directeurs, nous nous intéresserons, aux fins du présent mémoire, uniquement au principe relatif aux droits des minorités.

Ce principe tire son origine de la protection des droits des minorités religieuses en matière d'éducation garantie par l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 ainsi que des dispositions de la Charte relatives à la protection des droits linguistiques et des droits à l'éducation des minorités. En ce qui a trait à la Charte, la Cour tient à préciser qu'« [i]l ne fait aucun doute que la protection des minorités a été un des facteurs clés qui ont motivé [son adoption] et le processus de contrôle judiciaire constitutionnel qui en découle. » La Cour reconnaît « qu'une constitution peut chercher à garantir que des groupes minoritaires vulnérables bénéficient des institutions et des droits nécessaires pour préserver et promouvoir leur identité propre face aux tendances assimilatrices de la majorité. » Elle précise également que les dispositions constitutionnelles protégeant les droits linguistiques, religieux et scolaires des minorités sont le résultat d'un compromis historique. Toutefois, elle souligne que même si ces dispositions découlent de négociations et de compromis politiques, cela ne signifie pas qu'elles ne sont pas fondées sur des principes. La Cour tient aussi à rappeler que, loin d'être un principe inventé avec l'adoption de la Charte en 1982, la protection des minorités fait partie de l'histoire du Canada.

Dans Lalonde c Commission de restructuration des services de santé 12, la Cour d'appel de l'Ontario s'appuiera sur le principe non-écrit de la protection des minorités pour infirmer la décision de la Commission de restructuration des services de santé de l'Ontario qui avait proposé la fermeture de l'hôpital Montfort, le seul hôpital francophone de cette province.

L'aspect le plus intéressant de cette décision pour nos fins est l'utilisation que la Cour d'appel y fait des principes non écrits de la Constitution, notamment, du principe du respect et de la protection des minorités. Selon la Cour ce principe est une caractéristique structurelle fondamentale de la Constitution canadienne, qui explique et transcende à la fois les droits des minorités expressément garantis dans le texte de la Constitution. Le principe structurel du respect et de la protection des minorités a, selon la Cour d'appel, une incidence directe sur l'interprétation à donner à la Loi sur les services en français de l'Ontario et sur la légalité des directives de la Commission touchant Montfort.

La Cour note que la Loi sur les services en français enrichit les droits linguistiques garantis par la Constitution du Canada pour faire progresser l'égalité de statut ou d'emploi du français comme le prévoit le par. 16(3) de la Charte. L'un des objectifs sous-jacents de la loi est de protéger la minorité francophone en Ontario. Un autre objectif est de faire progresser le français et de favoriser son égalité avec l'anglais. Ces objectifs coïncident avec les principes non écrits de la Constitution du Canada portant sur la protection des minorités. La Cour d'appel en conclut donc que les principes constitutionnels sous- jacents peuvent dans certaines circonstances engendrer des obligations légales substantielles à cause de leur puissante force normative.

La Cour d'appel conclut que les graves conséquences occasionnées par les directives de la Commission de restructuration des services de santé de l'Ontario ne sont pas conformes aux buts et objectifs de la Loi sur les services en français. En désignant Montfort en vertu de la Loi, l'Ontario avait officiellement indiqué que les services de santé offerts à Montfort au moment de la désignation devaient être offerts en permanence et de manière facilement accessible en français. L'Ontario était donc tenu en vertu de la Loi de continuer à fournir ces services en français sous réserve de « limitations raisonnables et nécessaires ». L'Ontario était également tenu de démontrer que « toutes les mesures raisonnables » avaient été prises afin de faire respecter la Loi avant de restreindre les services de Montfort en tant qu'hôpital communautaire.

La Cour conclut donc que les directives de la Commission n'étaient pas conformes à la Loi sur les services en français. Selon la Cour, bien que les expressions « raisonnables et nécessaires » et « toutes les mesures raisonnables » ne puissent pas être définies avec une précision absolue, il fallait à tout le moins que les directives restreignant le droit des francophones de bénéficier des services de Montfort comme hôpital communautaire soient justifiées ou expliquées.

La Cour affirme que même si la Commission pouvait modifier et limiter les services offerts en français par Montfort, sa décision ne peut pas reposer sur de simples arguments de commodité administrative et de vagues préoccupations. Le mandat de la Commission doit être concilié avec les obligations imposées par la Loi sur les services en français. La Commission ne pouvait retirer de Montfort des services médicaux offerts en français sans démontrer qu'il est « raisonnable et nécessaire » de le faire, en particulier lorsque ces services ne sont pas offerts en français à temps plein ailleurs dans la région d'Ottawa-Carleton.

La Cour conclut également que les directives de la Commission ne reflétaient pas le principe constitutionnel fondamental du respect et de la protection des minorités. La Commission était obligée par la loi d'exercer ses pouvoirs conformément à l'intérêt public. Pour décider de ce qui est d'intérêt public, la Commission est tenue, selon la Cour d'appel, de prendre en considération ce principe constitutionnel fondamental. La Cour précise que la langue et la culture de la minorité francophone « occupent une place privilégiée dans le tissu de la société canadienne en tant que l'une des collectivités fondatrices du Canada et que [le français est] l'une des deux langues officielles, dont les droits sont inscrits dans la Constitution. » Si elles sont mises à exécution, les directives de la Commission porteraient grandement atteinte au rôle de Montfort en tant qu'importante institution pour la minorité francophone de l'Ontario. Les directives sont donc contraires au principe constitutionnel fondamental de respect et de protection des minorités.

La Cour note que la Commission n'a pas présenté de justification à l'appui de sa décision de réduire le rôle important de Montfort pour la minorité franco-ontarienne. La Commission n'a pas porté attention aux valeurs constitutionnelles pertinentes. Elle n'a pas non plus tenté de justifier le non- respect de ces valeurs au motif qu'elle visait un autre objectif important. Les directives de la Commission ne sont pas à l'abri d'une révision judiciaire lorsqu'elles empiètent sur les valeurs constitutionnelles fondamentales sans offrir aucune justification. Parce que la Commission n'a pas accordé suffisamment de poids et d'importance au rôle de Montfort sur les plans linguistique et culturel pour la survie de la minorité franco-ontarienne, contrairement au principe constitutionnel non-écrit du respect et de la protection des minorités, les directives de la Commission ont été annulées.

Dans le cas qui nous intéresse, nous soutenons aussi que le principe structurel du respect et de la protection des minorités a, une incidence directe sur l'interprétation que l'on doit donner aux articles 3 et 16.1 de la Charte. Nous soutenons également que les décisions de cette Commission, si elles touchent à la communauté minoritaire de langue française de la province ne devront pas reposer sur « de simples arguments de commodité administrative ou de vagues préoccupations. »

Toute décision qui viserait à priver la communauté acadienne et francophone de la province d'une représentation effective n'est pas conforme au principe constitutionnel fondamental du respect et de la protection des minorités. La Commission dans l'exercice de son mandat se doit de prendre en considération ce principe constitutionnel fondamental étant donné que la langue et la culture de la minorité francophone occupent une place privilégiée dans le tissu de la société canadienne en tant que l'une des collectivités fondatrices du Canada et que le français est l'une des deux langues officielles, dont les droits sont inscrits dans la Constitution.

Conclusion

En conclusion, nous tenons à préciser que nous sommes d'avis que la délimitation actuelle des circonscriptions électorales fédérales pour le Nouveau-Brunswick respecte les principes décrits ci- dessus. Nous suggérons donc qu'il serait préférable de n'apporter aucune modification à celle-ci. Toutefois, s'il devient nécessaire de faire des modifications nous demandons à cette commission de les faire dans le respect de ces principes et notamment de ceux énoncés dans les décisions Carte et Raîche.

Notes de bas de page

1 Loi constitutionnelle de 1982, Annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c 11, art 3.

2 Renvoi relatif aux circonscriptions électorales provinciales (Sask.), [1991] 2 RCS 158 (la décision « Carter »).

3 Raîche c. Canada (Procureur général), 2004 CF 679, [2005] 1 RCF 93.

4 Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales, LRC 1985, c E-3

5 Voir, R. c. Big M Drug Mart Ltd., [1985] 1 RCS 295.

6 R. c. Beaulac, [1990] 1 RCS 684.

7 La Cour suprême du Canada résume bien l'importance du lien entre le caractère réparateur des droits linguistiques et le principe d'égalité réelle dans ses décisions dans les affaires Arsenault-Cameron c Île-du- Prince-Édouard, [2000] 1 RCS 3 et DesRochers c Canada (Industrie), 2009 CSC 8, [2009] 1 RCS 194.

8 R. c. Gaudet, 2010 NBBR 27.

9 Charlebois c. Moncton, 2001 NBCA 117

10 Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Victoria, c 3, art 133.

11 Renvoi relatif à la sécession du Québec, [1998] 2 RCS 217 (le Renvoi)

12 Lalonde c Commission de restructuration des services de santé, [2001] O.J. No 4768.

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