Federal electoral districts redistribution 2022

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La Ville d'Amqui

Avis déposé à la Commission de délimitation des circonscriptions électorales fédérales pour la province de Québec

1. Présentation de la Ville

Amqui est la ville de centralité de la MRC de La Matapédia. À ce titre, elle accueille et dispose de nombreuses infrastructures mises au service de sa population et de celle des municipalités environnantes. On y retrouve notamment le centre hospitalier régional, un CLSC, plusieurs bureaux gouvernementaux, une partie du centre administratif du Centre de services scolaire Monts-et-Marées, deux écoles primaires, une école secondaire moderne, un centre de formation professionnel, un centre d'études collégiales et un centre collégial de transfert technologique en foresterie : le SEREX. L'Université du Québec à Rimouski propose également des formations sur place.

La Ville possède aussi des infrastructures de sports, de culture et de loisirs communautaires. Une piscine intérieure, équipement supra-local qui dessert toute la MRC, un curling, une vingtaine de salles de réunion et une salle communautaire pouvant accueillir 500 personnes sont regroupés à l'intérieur d'un centre de services. Deux patinoires, une intérieure et une extérieure, une bibliothèque, des terrains de baseball et de tennis, une piste cyclable et beaucoup d'autres sites et équipements sont aussi mis à la disposition de sa population et de celle des environs. De plus, Amqui accueille le centre de prévention et de formation contre les incendies qui, depuis 2000, est gérée régionalement.

2. Sommaire

Dans sa proposition de redécoupage déposée le 29 juillet 2022, la Commission évoque la possibilité de faire disparaître la circonscription d'Avignon–La Mitis–Matane–Matapédia pour la redistribuer dans deux circonscriptions voisines, réduisant ainsi le nombre de circonscriptions de quatre à trois pour l'Est-du-Québec.

De plus, le redécoupage proposé par la Commission aurait pour effet de répartir dans deux circonscriptions différentes les municipalités de la MRC de La Matapédia. Ainsi, Amqui et sept de ses voisines se retrouveraient dans « Gaspésie–Les Îles-de-la-Madeleine–Listuguj » et les dix autres dans « Rimouski–Matane ». Cette proposition ne tient pas compte du rôle crucial qu'occupe la ville de centralité dans la dynamique territoriale de la MRC de La Matapédia et des liens qui unissent les communautés entre elles.

La Ville d'Amqui s'oppose donc à cette proposition qui entraînerait la perte d'une circonscription dans une région rurale et peu peuplée du Québec, sur la seule base de sa démographie, alors que d'autres critères permettant une représentation effective sont reconnus par la Loi. La Ville d'Amqui demande conséquemment le statu quo quant au nombre et aux délimitations des circonscriptions fédérales dans l'Est-du-Québec.

Enfin, la Commission propose de modifier le nom des circonscriptions pour y intégrer une désignation soulignant la présence autochtone. La Ville d'Amqui reconnaît la contribution historique des Premières Nations au développement et à la vitalité de la région, du Québec et du Canada. Toutefois, elle s'oppose à ce que cela se fasse au détriment des communautés d'intérêts et d'appartenance qui figurent déjà dans les noms actuels. La désignation autochtone devrait donc être ajoutée aux noms actuels des circonscriptions, sans en retirer aucune.

3. Le mandat de la Commission

L'exercice de redécoupage des circonscriptions électorales fédérales se tient à tous les dix ans et est encadré par la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales,L.R.C, ch. E-3 (la Loi).

« Le redécoupage des circonscriptions électorales est soumis aux principes énoncés à l'article 15 de la Loi :

15 (1) Pour leur rapport, les commissions suivent les principes suivants :

  1. le partage de la province en circonscriptions électorales se fait de telle manière que le chiffre de la population de chacune des circonscriptions corresponde dans la mesure du possible au quotient résultant de la division du chiffre de la population de la province que donne le recensement par le nombre de sièges de député à pourvoir pour cette dernière d'après le calcul visé au paragraphe 14(1) ».
  2. sont à prendre en considération les éléments suivants dans la détermination de limites satisfaisantes pour les circonscriptions électorales :
    1. la communauté d'intérêts ou la spécificité d'une circonscription électorale d'une province ou son évolution historique,
    2. le souci de faire en sorte que la superficie des circonscriptions dans les régions peu peuplées, rurales ou septentrionales de la province ne soit pas trop vaste
Dérogation

(2) Les commissions peuvent déroger au principe énoncé par l'alinéa (1)a) chaque fois que cela leur paraît souhaitable pour l'application des sous-alinéas (1)b)(i) et (ii). Le cas échéant, elles doivent toutefois veiller à ce que, sauf dans les circonstances qu'elles considèrent comme extraordinaires, l'écart entre la population de la circonscription électorale et le quotient mentionné à l'alinéa (1)a) n'excède pas vingt-cinq pour cent. »

Le Québec, selon le dernier recensement fédéral, compte 8 501 833 personnes. Ce nombre divisé par 78 circonscriptions nous donne un quotient de 108 998 personnes par circonscription.

4. La place de la démographie dans la Loi

Lorsqu'on examine les critères évoqués par la Loi, il appert que le législateur donne toute la latitude nécessaire aux commissaires pour donner préséance aux critères de communauté d'intérêts, de spécificité et d'historique d'une circonscription, ainsi qu'au critère de l'étendue du territoire dans les régions rurales, peu peuplées, dans la délimitation des circonscriptions.

« Les commissions peuvent déroger au principe énoncé par l'alinéa (1)a) chaque fois que cela leur paraît souhaitable pour l'application des sous-alinéas (1)b)(i) et (ii) ».

La Loi ajoute que : Le cas échéant, elles [les commissions] doivent toutefois veiller à ce que, sauf dans les circonstances qu'elles considèrent comme extraordinaires, l'écart entre la population de la circonscription électorale et le quotient mentionné à l'alinéa (1)a) n'excède pas vingt-cinq pour cent.

Pour le Québec, ce « le seuil de tolérance » oscille donc entre 81 749 personnes (- 25 %) et 136 247 (+ 25 %).

Le prochain tableau présente le calcul effectué par la Commission concernant les circonscriptions de lEst-du-Québec :

  Population 2011 Population 2021
Montmagny – l’Islet – Kamouraska – Rivière-du-Loup 97 261 96 724
Rimouski-Neigette – Témiscouata – Les Basques 84 809 85 556
Avignon – La Mitis – Matane – Matapédia  74 547 70 253
Gaspésie – Les Îles-de-la-Madeleine 78 833 75 253
Total 335 450 328 460
Moyenne 83 863 82 115

Avignon–La Mitis–Matane–Matapédia et Gaspésie–Les Îles-de-la-Madeleine présentent effectivement un déficit populationnel qui excède les 25 %, soient 35,5 % et 30,3 % respectivement. Toutefois, si on regarde la moyenne pour l'Est-du-Québec, elle se situe toujours dans la zone de tolérance admise.

La Commission doit reconnaître que priver une région d'une circonscription, alors que la moyenne de population par circonscription se situe toujours dans les limites acceptables, représente une mesure draconienne, qui correspond parfaitement à la définition de ce que pourrait être une circonstance extraordinaire.

En 2012, la Commission de l'époque avait justement reconnu une situation exceptionnelle pour la circonscription qui s'appelait alors Avignon-Mitis et qui affichait un quotient de – 26,42 %. Or, la situation n'a guère changé depuis, notamment en regard des critères reconnus à 15 b) i et ii de la Loi.

5. La communauté d'intérêts au centre des préoccupations

Dans les milieux ruraux, la plus petite communauté d'intérêts se situe sans aucun doute à l'échelle municipale. Une ville de la taille d'Amqui, avec ses 6 200 habitants, en représente un bon exemple. Si l'on élargie un peu cette communauté, on y regroupera des municipalités limitrophes, comme Val-Brillant (930 habitants), St-Léon-le-Grand (983 habitants) et Ste-Irène (351 habitants), dont les populations participent activement au dynamisme de la ville de centralité et profitent des infrastructures publiques. Puis le cercle s'agrandit jusqu'aux autres municipalités de la MRC, comme St-Cléophas (à 35 km de distance d'Amqui), Alberville (18 km), Sayabec (26 km), St-Zénon-du-Lac-Humqui (23 km), St-Damase (43 km), St-Moïse (39 km) et St-Noël (39 km), qui travaillent en étroite synergie avec la Ville d'Amqui. On l'a vu, Amqui est le centre de services pour l'ensemble du territoire de la MRC de La Matapédia et les intérêts territoriaux convergent vers ce centre.

Ce qui pose problème, c'est qu'aucune des municipalités nommées ci-haut, pourtant très liées à Amqui pour leur développement socioéconomique, ne seraient dans la même circonscription fédérale qu'elle, selon le scénario proposé par la Commission.

De son propre aveu, le redécoupage proposé par la Commission s'effectue, non pas en fonction des communautés d'intérêts, mais sur la base des axes routiers des routes 132 et 195, ce qui n'est pas le critère qui devrait prévaloir.

La délimitation des MRC, instaurées en 1982, reposait justement sur la notion de communauté d'intérêts. Le développement, dans l'Est-du-Québec, s'articule le plus souvent à cette échelle et à travers une étroite collaboration entre les villes de centralité et les communautés plus rurales. La division proposée par la Commission nuit à la cohésion des communautés. Ainsi, on pourrait se retrouver avec deux député.e.s fédéraux d'allégeance politique différente qui pourraient s'affronter sur la pertinence d'un projet ou la circonscription qui en accueillerait le déploiement, et ce, à l'intérieur d'une même MRC.

Dès 2005, dans son rapport intitulé « Optimiser les valeurs du redécoupage », le DGE du Canada avait souligner l'importance des administrations municipales et locales pour définir les communautés d'intérêts : « les personnes qui relèvent d'une municipalité ou d'une autre administration locale tissent des liens économiques, sociaux et politiques par le seul fait de partager la même communauté politique ». On entend clairement ici l'importance de préserver l'intégrité des territoires de MRC dans la délimitation des circonscriptions.

Enfin, la circonscription d'Avignon–La Mitis–Matane–Matapédia représente une communauté d'intérêts qui s'est construite dans le temps et qui est fort distincte de celle qui prévaut en Gaspésie. L'amalgame proposé par la Commission ne respecte pas cette diversité d'intérêts et de culture qui devrait pourtant être au centre de ses préoccupations pour assurer la représentation effective des communautés.

6. Le territoire et la représentation

La Commission doit avoir : le souci de faire en sorte que la superficie des circonscriptions dans les régions peu peuplées, rurales ou septentrionales de la province ne soit pas trop vaste.

Cette préoccupation du législateur témoigne d'une volonté de préserver la qualité de la représentation dans les régions rurales, peu peuplées. Or, la proposition de la Commission ferait passer les circonscriptions de l'Est-du-Québec à plus de 10 000 km2, et à plus de 20 000 km2 dans le cas de la Gaspésie. À titre de comparaison, celle de Mont-Royal, sur l'île de Montréal, s'étend sur 22 km2 et peut facilement être parcourue à pied.

Déjà, en 2012, l'ex-député de Gaspésie–Les Îles-de-la-Madeleine, Raynald Blais, témoignait  : « Il y avait beaucoup de temps que je passais soit en voiture, soit en avion. Finalement, tu passes plus de temps à t'occuper de tes déplacements qu'à faire du vrai travail. »

Dès 2004, le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre des communes soulignait ceci : « Une représentation efficace est au cœur des préoccupations de tout député. […] Parmi les motifs des oppositions présentées par un grand nombre de députés, on peut citer, notamment le besoin de maintenir des liens avec les groupements locaux et entre eux, les bureaux administratifs, les homologues provinciaux et municipaux. Un changement de limites peut avoir, en matière de politique et de représentation, une incidence considérable sur un grand nombre de réseaux non-officiels qui peuvent s'avérer cruciaux si on veut répondre aux besoins des électeurs. »

Les points de service fédéraux ont pratiquement disparu des régions rurales et les député.e.s, par le biais de leurs bureaux de circonscription, jouent un rôle crucial pour soutenir les citoyens et citoyennes. Cela s'est particulièrement avéré en période de pandémie, pendant laquelle les député.e.s fédéraux ont été particulièrement impliqué.e.s sur le terrain. Nous nous devons de leur donner les conditions et les moyens pour offrir une représentation efficace et effective, et soutenir la population qu'ils et elles représentent. La proposition de la Commission qui vise réduire le nombre de circonscriptions dans une région vaste, rurale et peu peuplée ajouterait plutôt à leur fardeau.

7. La dénomination des circonscriptions

La Ville d'Amqui reconnaît la contribution historique des Premières Nations au développement et à la vitalité de la région, du Québec et du Canada. Elle soutien donc le principe d'inscrire cette reconnaissance dans le nom des circonscriptions. Toutefois, elle s'oppose à ce que cela se fasse au détriment des communautés d'intérêts et d'appartenance qui figurent déjà dans les noms actuels. La désignation autochtone devrait donc être ajoutée aux noms actuels des circonscriptions, sans en retirer aucune.

8. Effritement de la représentation des communautés rurales, peu peuplées

Selon le Portrait économique des régions du Québec 2020, les régions ressources occupent 80 % du territoire, avec seulement 6,7 % de la population du Québec. Pourtant, les politiques canadiennes qui les concernent sont adoptées par des députés qui représentent des électeurs urbains dans une proportion de 75 %.

Déjà, le système uninominal à un tour crée ses propres aberrations, alors que les partis politiques accèdent au gouvernement sans atteindre la majorité absolue des voix. En 2021, le parti Libéral forme un gouvernement minoritaire avec 32,6 % des voix exprimées, alors que le parti Conservateur en obtient 33,7 %. En 2011, le parti Conservateur remporte une majorité avec 39,6 % des voix.

Le redécoupage des délimitations des circonscriptions ne règle donc pas les problèmes systémiques du mode de scrutin uninominal à un tour.

En revanche, la méthode de délimitation des circonscriptions électorales, basée d'abord sur la démographie, nuit à la représentativité des milieux ruraux et faiblement peuplés, au bénéfice des grandes villes et de leur périphérie. De plus, ces circonscriptions densément peuplées sont généralement de plus petite superficie, favorisant la capacité d'accéder à son ou sa députée. Il y a donc un véritable déficit démocratique pour les régions du pays.

C'est pourquoi la Ville d'Amqui demande à la Commission le maintien du Statu quo pour les circonscriptions de l'Est-du-Québec.

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