Federal electoral districts redistribution 2022

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La Municipalité régionale de comté de Rivière-du-Loup

Avis déposé à la Commission de délimitation des circonscriptions électorales fédérales pour la province de Québec

26 août 2022

1. Présentation de l'organisation

Créée le 1er janvier 1982 par la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme (LAU), la MRC de Rivière-du-Loup est composée de onze municipalités rurales, de deux villes, dont une cité régionale, réparties sur un territoire de 1 267 km2 et comptant 33 958 habitants.

Ces municipalités sont :

  • Saint-Cyprien
  • Saint-Modeste
  • Cacouna
  • L'Isle-Verte
  • Notre-Dame-des-Sept-Douleurs
  • Notre-Dame-du-Portage
  • Rivière-du-Loup
  • Saint-Antonin
  • Saint-Arsène
  • Saint-Épiphane
  • Saint-François-Xavier-de-Viger
  • Saint-Hubert-de-Rivière-du-Loup
  • Saint-Paul-de-la-Croix

Ses principaux rôles sont :

  • La planification du territoire et gestion des ressources.
  • Le développement économique et social.
  • La planification et coordination des actions en matière de sécurité publique.
  • La prestation de services auprès des municipalités et des citoyens.
  • La production d'énergie renouvelable.
  • La concertation du milieu.

La MRC de Rivière-du-Loup joue donc un rôle prépondérant dans l'ensemble du développement de son territoire et des services qui sont offerts à sa communauté. À ce titre, elle est appelée à travailler étroitement avec les député.e.s provinciaux et fédéraux qui couvrent le Bas-Saint-Laurent, tout comme avec l'ensemble des municipalités et MRC de la région. La MRC de Rivière-du-Loup, ainsi que la cité régionale de Rivière-du-Loup, sont membres de la Table régionale des élu.e.s municipaux du Bas-Saint-Laurent qui regroupe les huit préfets et préfètes, ainsi que les dix maires et mairesses des cités régionales et des villes de centralité de la région. À travers cette instance et d'autres espaces de concertation, elle participe à l'élaboration d'une vision régionale, tant sur le plan politique que sur celui du développement socioéconomique.

2. Sommaire

Les municipalités de la MRC de Rivière-du-Loup ont pris connaissance de la proposition de redécoupage des circonscriptions de l'Est-du-Québec déposée par la Commission le 29 juillet dernier. C'est avec stupéfaction qu'elles ont appris que la Commission recommande la dissolution de la circonscription d'Avignon–La Mitis–Matane–Matapédia pour la redistribuer dans deux circonscriptions voisines. Le nombre de député.e.s fédéraux serait ainsi réduit à trois pour couvrir un immense territoire s'étendant de Montmagny aux Îles-de-la-Madeleine. La Commission propose également de rattacher la MRC de Témiscouata à la circonscription de Montmagny–L'Islet–Kamouraska–Rivière-du-Loup, ce qui aurait pour effet d'en accroître la population de 20 000 personnes et le territoire de 4 000 km2.

Par ailleurs, la Commission propose un redécoupage qui morcellerait des territoires de MRC entre les deux nouvelles circonscriptions.

La MRC de Rivière-du-Loup s'oppose à cette proposition qui entraînerait la perte d'une circonscription dans l'Est-du-Québec, une région rurale et peu peuplée du Québec. La MRC de Rivière-du-Loup demande que soit maintenu le statu quo quant au nombre et aux délimitations des circonscriptions fédérales dans l'Est-du-Québec.

La Commission propose également de modifier le nom de la circonscription de Montmagny–L'Islet–Kamouraska–Rivière-du-Loup pour celui de Montmagny–Témiscouata–Kataskomiq. La MRC de Rivière-du-Loup reconnaît la valeur d'inscrire la présence autochtone dans le nom des circonscriptions fédérales. Elle entretient des relations et des liens privilégiés avec les Premières nations, qu'elle considère comme des partenaires du développement régional. Cette initiative ne devrait toutefois pas avoir pour effet de retirer les noms des MRC qui y figurent présentement. La désignation autochtone devrait donc être ajoutée aux noms actuels des circonscriptions, sans en retirer aucune.

3. Le mandat de la Commission

L'exercice de redécoupage des circonscriptions électorales fédérales est encadré par la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales,L.R.C, ch. E-3 (la Loi). Il se tient à tous les dix ans, à la suite du recensement décennal.

Dans sa proposition, la Commission rappelle que le droit de vote est au fondement de toute démocratie : « Au Canada, le droit de vote est protégé constitutionnellement par son inscription à l'article 3 de la Loi constitutionnelle de 1982, Partie 1-Charte canadienne des droits et liberté (La Charte), « Tout citoyen canadien a le droit de vote et est éligible aux élections législatives fédérales et provinciales ».

Outre ce principe très général, l'article 15 de la Loi précise les principes directeurs qui doivent guider la Commission dans ses réflexions.

« Le redécoupage des circonscriptions électorales est soumis aux principes énoncés à l'article 15 de la Loi :

15 (1) Pour leur rapport, les commissions suivent les principes suivants : a) le partage de la province en circonscriptions électorales se fait de telle manière que le chiffre de la population de chacune des circonscriptions corresponde dans la mesure du possible au quotient résultant de la division du chiffre de la population de la province que donne le recensement par le nombre de sièges de député à pourvoir pour cette dernière d'après le calcul visé au paragraphe 14(1) ».

b) sont à prendre en considération les éléments suivants dans la détermination de limites satisfaisantes pour les circonscriptions électorales :

la communauté d'intérêts ou la spécificité d'une circonscription électorale d'une province ou son évolution historique,

le souci de faire en sorte que la superficie des circonscriptions dans les régions peu peuplées, rurales ou septentrionales de la province ne soit pas trop vaste

Dérogation

(2) Les commissions peuvent déroger au principe énoncé par l'alinéa (1)a) chaque fois que cela leur paraît souhaitable pour l'application des sous-alinéas (1)b)(i) et (ii). Le cas échéant, elles doivent toutefois veiller à ce que, sauf dans les circonstances qu'elles considèrent comme extraordinaires, l'écart entre la population de la circonscription électorale et le quotient mentionné à l'alinéa (1)a) n'excède pas vingt-cinq pour cent. »

Le Québec, selon le dernier recensement fédéral, compte 8 501 833 personnes. Ce nombre divisé par 78 circonscriptions nous donne un quotient de 108 998 personnes par circonscription.

4. L'enjeu démographique pour les communautés rurales et peu peuplées

La zone de « tolérance » fixée à + ou - 25 % inscrite dans la Loi constitue une épée de Damoclès qui menace la représentation démocratique des communautés rurales du Québec et du Canada. Pour le Québec, elle oscille entre 81 749 personnes (- 25 %) et 136 247 (+ 25 %).

Le prochain tableau3 présente le calcul effectué par la Commission concernant les circonscriptions de l'Est-du-Québec :

  Population 2011 Population 2021
Montmagny – l’Islet – Kamouraska – Rivière-du-Loup 97 261 96 724
Rimouski-Neigette – Témiscouata – Les Basques 84 809 85 556
Avignon – La Mitis – Matane – Matapédia  74 547 70 253
Gaspésie – Les Îles-de-la-Madeleine 78 833 75 253
Total 335 450 328 460
Moyenne 83 863 82 115

Avignon–La Mitis–Matane–Matapédia et Gaspésie–Les Îles-de-la-Madeleine présentent effectivement un déficit populationnel qui excède les 25 %, soient 35,5 % et 30,3 % respectivement. Toutefois, si on regarde la moyenne, elle se situe toujours dans la zone de tolérance. On s'explique mal, sous cet angle, qu'il faille prendre une mesure aussi radicale que l'abolition d'une circonscription.

Déjà, en 2012, ces circonscriptions étaient celles qui affichaient le plus grand écart avec – 22,19 % pour la Gaspésie–Les Îles-de-la-Madeleine et – 26,42 % pour Avignon–Mitis au Québec. La Commission de l'époque s'était toutefois rendue aux arguments du milieu et avait reconnu une situation exceptionnelle, basée sur les facteurs évoqués dans les sous-alinéas (1)b)(i) et (ii), soient :

la communauté d'intérêts ou la spécificité d'une circonscription électorale d'une province ou son évolution historique,

le souci de faire en sorte que la superficie des circonscriptions dans les régions peu peuplées, rurales ou septentrionales de la province ne soit pas trop vaste.

Aujourd'hui, la Commission oblitère ces facteurs de son argumentaire, alors qu'ils demeurent tout à fait pertinents. Les commissaires doivent reprendre leur réflexion en se rappelant que le législateur a pris la peine d'inscrire que : Les commissions peuvent déroger au principe énoncé par l'alinéa (1)a) chaque fois que cela leur paraît souhaitable pour l'application des sous-alinéas (1)b)(i) et (ii). La perte d'une circonscription électorale pour une région du pays constitue en elle-même une circonstance extraordinaire qui devrait avoir préséance sur l'écart populationnel.

Enfin, dans sa révision de juillet 2022, l'Institut de la statistique du Québec a revu à la hausse ses prévisions démographiques de 4,7 % pour le Bas-Saint-Laurent, 5,4 % pour la Gaspésie et de 5,5 % pour Chaudière-Appalaches, les plus fortes corrections pour l'ensemble des régions du Québec.4 Cette tendance s'est instaurée avec la pandémie de la COVID-19 et se maintient depuis.

5. Les communautés d'intérêts

Personne ne mettra en doute que la Gaspésie–Les Îles-de-la-Madeleine constitue une communauté d'intérêts, tant au niveau des liens économiques, du contexte social et de la culture. Cette circonscription respecte d'ailleurs, à peu de chose près, la région administrative du Québec. Il en va de même pour Avignon–La Mitis–Matane–Matapédia, les MRC correspondantes ayant tissé le même type de liens entre elles.

Le redécoupage proposé par la Commission s'effectue, non pas en fonction des communautés d'intérêts, mais sur la base des axes routiers des routes 132 et 195, sauf pour la ville de Matane, question d'équilibrer la démographie. Cette approche a pour effet de morceler les MRC de La Matanie et de La Matapédia entre les deux nouvelles circonscriptions et de diviser aléatoirement les communautés d'intérêts.

Autre effet pervers de cette proposition, la cité régionale de Matane se retrouverait dans une circonscription différente de la majorité des municipalités rurales de sa MRC. C'est le même phénomène pour la ville de centralité d'Amqui.

La délimitation des MRC, instaurées en 1982, reposait justement sur la notion de communauté d'intérêts. Le développement, dans l'Est-du-Québec, s'articule le plus souvent à cette échelle et à travers une étroite collaboration entre les villes de centralité et les communautés plus rurales. La division proposée par la Commission nuit à la cohésion des communautés. Ainsi, on pourrait se retrouver avec deux député.e.s fédéraux d'allégeance politique différente qui pourraient s'affronter sur la pertinence d'un projet ou la circonscription qui en accueillerait le déploiement, et ce, à l'intérieur d'une même MRC.

Dès 2005, dans son rapport intitulé « Optimiser les valeurs du redécoupage », le DGE du Canada avait souligner l'importance des administrations municipales et locales pour définir les communautés d'intérêts : « les personnes qui relèvent d'une municipalité ou d'une autre administration locale tissent des liens économiques, sociaux et politiques par le seul fait de partager la même communauté politique ».5 On entend clairement ici l'importance de préserver l'intégrer des territoires de MRC dans la délimitation des circonscriptions.

De plus, au-delà de à l'article 3 de la Loi constitutionnelle de 1982, Partie 1-Charte canadienne des droits et liberté qui protège le droit de vote de chaque citoyen, les communautés d'intérêts ont droit à une représentation effective, telle que définit par l'Arrêt Carter6 de la Cour suprême.

6. Des circonscriptions grandes comme des pays

« Si le découpage est accepté, on va demander à un élu de représenter un territoire qui est grand comme la Belgique. Humainement parlant, je ne sais pas comment ça pourrait se faire. C'est immense et on connait déjà l'enjeu des transports. »

Diane Lebouthillier, ministre du Revenu et députée de la circonscription Gaspésie–Les Îles-de-la-Madeleine

La perte d'un ou d'une députée fédérale représente non seulement un déni de la représentation effective des communautés d'intérêts de l'Est-du-Québec, et donc un déficit démocratique pour la région, mais également une entrave à la qualité et l'efficacité de cette représentation.

Le redécoupage proposé ferait passer toutes les circonscriptions à plus de 10 000 km2 de superficie, et à plus de 20 000 km2 dans le cas de la Gaspésie. À titre de comparaison, celle de Mont-Royal, sur l'île de Montréal, s'étend sur 22 km2 et peut être parcourue à pied. On peut difficilement parler d'une représentation équitable dans un tel contexte.

Dès 2004, le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre des communes soulignait ceci : « Une représentation efficace est au cœur des préoccupations de tout député. […] Parmi les motifs des oppositions présentées par un grand nombre de députés, on peut citer, notamment le besoin de maintenir des liens avec les groupements locaux et entre eux, les bureaux administratifs, les homologues provinciaux et municipaux. Un changement de limites peut avoir, en matière de politique et de représentation, une incidence considérable sur un grand nombre de réseaux non-officiels qui peuvent s'avérer cruciaux si on veut répondre aux besoins des électeurs. »

7. La présence autochtone dans le nom des circonscriptions

La Commission propose également de modifier le nom de la circonscription de Montmagny–L'Islet–Kamouraska–Rivière-du-Loup pour celui de Montmagny–Témiscouata–Kataskomiq. La MRC de Rivière-du-Loup reconnaît la valeur d'inscrire la présence autochtone dans le nom des circonscriptions fédérales. Elle entretient des relations et des liens privilégiés avec les Premières nations, qu'elle considère comme des partenaires du développement régional. Cette initiative ne devrait toutefois pas avoir pour effet de retirer les noms des MRC qui y figurent présentement. La désignation autochtone devrait donc être ajoutée aux noms actuels des circonscriptions, sans en retirer aucune.

8. Effritement de la représentation des communautés rurales, peu peuplées

La méthode de délimitation des circonscriptions électorales, basée d'abord sur la démographie, nuit à la représentativité des milieux ruraux et faiblement peuplés, au bénéfice des grandes villes et de leur périphérie. De plus, ces circonscriptions densément peuplées sont généralement de plus petite superficie, favorisant la capacité d'accéder à son ou sa députée. Il y a donc un véritable déficit démocratique pour les régions rurales du pays dont la représentation effective est menacée.

La MRC de Rivière-du-Loup demande donc le maintien du statu quo quant au nombre et aux délimitations des circonscriptions de l'Est-du-Québec.

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