Federal electoral districts redistribution 2022

Comment 30 (5 October 2022) comments and feedback

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Alain Therrien, Leader parlementaire et Porte-parole en matière d'Institutions démocratiques du Bloc Québécois

Mémoire du chef parlementaire du Bloc québécois

Audiences publiques de la Commission de la délimitation des circonscriptions électorales fédérales tenues à Gaspé, le 6 septembre 2022

D'abord, nous tenons à remercier la Commission pour son travail neutre et rigoureux. Ce n'est sûrement pas facile de faire ce genre de travail qui est nécessaire pour assurer la santé de notre démocratie. Le Bloc Québécois travaille à porter les intérêts de notre nation à Ottawa. Il représente le Québec. Défendre le Québec, c'est défendre les grands centres, mais c'est surtout défendre les régions pour assurer leur vitalité, et faire en sorte qu'elles puissent compter sur une croissance économique et démographique qui leur sont pleinement méritées.

C'est pourquoi nous souhaitons aborder la décision de la Commission d'abolir la circonscription d'Avignon–La Mitis–Matane–Matapédia, laquelle engendrerait des conséquences sur la portée de la voix de l'Est-du-Québec à la Chambre des communes. La Gaspésie passerait de deux représentants à un seul et le Bas-Saint-Laurent, de Montmagny jusqu'aux Îles-de-la-Madeleine, de quatre représentants à trois. Le Bloc Québécois est évidemment contre cette proposition et c'est avec tout l'estime que nous avons pour le travail de la Commission que nous présentons, à la manière d'un éclairage constructif, nos arguments. Évidemment, nous respectons trop la Commission pour que ce propos soit teinté d'une partisannerie quelconque. Nous exposons donc ci-après les motifs qui nous incitent à croire que la circonscription d'Avignon–La Mitis–Matane–Matapédia doit être laissée intacte.

Voici d'abord, en référence au texte expliquant le mandat de la Commission, la façon dont sont déterminées les circonscriptions électorales :

« Le mandat de la Commission lui est clairement imparti par la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales. Pour produire leur rapport, les commissions suivent les principes suivants :

A) Le partage de la province en circonscriptions électorales se fait de telle manière que le chiffre de la population de chacune des circonscriptions corresponde, dans la mesure du possible, au quotient résultant de la diffusion du chiffre de la population de la province que donne le recensement par le nombre de sièges des députés à pourvoir par cette dernière par le calcul visé au paragraphe 14. »

En résumé, la Commission a déterminé que le Québec devait compter 78 circonscriptions, dénombrant en moyenne 108 000 personnes, avec une marge de plus ou moins 25 %. Si ce premier paragraphe est très mathématique, le second devient beaucoup plus complexe.

« B) Sont à prendre en considération les éléments suivants dans la détermination des limites satisfaisantes pour les circonscriptions électorales : la communauté d'intérêt ou la spécificité d'une circonscription électorale d'une province, ou son évolution historique. » 1

C'est ici que s'impose une réflexion. Selon le paragraphe A, on peut comprendre que la circonscription n'a pas assez d'électeurs. Cependant, en considérant le paragraphe B pour cette même circonscription, cela nous indique qu'elle doit être conservée parce qu'elle répond justement à des cas d'exception.

Plus avant dans ce texte, la Commission explique que « la parité du pouvoir électoral n'est pas le seul facteur à prendre en considération pour que différents intérêts, groupes et communautés soient équitablement représentés à la Chambre des communes. » Voici donc une situation d'exception. D'autres facteurs peuvent être considérés, dont ceux mentionnés à l'article 15 de la Loi des arrêts de la Cour suprême : « les caractéristiques géographiques d'une circonscription, ses limites historiques, les intérêts d'une collectivité donnée ou son histoire et la représentation des groupes minoritaires peuvent justifier la Commission de déroger à la règle d' « une personne/un vote », dans l'intérêt, pour reprendre les mots de la Cour suprême, « d'une représentation effective de la diversité de notre mosaïque sociale. » À cette lecture, on comprend peut-être davantage pourquoi on devrait garder cette circonscription. Il s'agit de représentation effective et la Commission peut avoir, sous cette condition, un pouvoir discrétionnaire.

Pourquoi garder cette circonscription? Nous pouvons citer des exemples de comtés qui ne sont pas assez populeux, mais qui ont fait l'objet d'exceptions. Au niveau national, l'Île-du-Prince-Édouard est une exception où, du simple point de vue mathématique, on ne devrait non pas compter quatre députés, mais plutôt trois, voire peut-être deux. Il s'agit bien sûr d'une province, mais l'idée maîtresse est semblable. Il y a donc quatre députés à l'Île-du-Prince-Édouard et personne ne critique cela parce que c'est une simple question de bon sens. Même chose avec la circonscription de Labrador qui n'est pas assez populeuse pour justifier la présence de cette circonscription, mais qui est bel et bien existante en raison de la représentation jugée effective. Encore une fois, pas de critique à cet égard. Le Québec compte pour sa part la circonscription des Îles-de-la-Madeleine, qui a le statut de circonscription alors qu'on y dénombre moins de 10 000 habitants.

La proposition de la Commission d'abolir la circonscription d'Avignon–La Mitis–Matane–Matapédia a amené un soulèvement, une mobilisation régionale majeure extrêmement dynamique. Les trois partis représentant la région, soit deux élus du Bloc Québécois, une élue du Parti libéral du Canada et un élu du Parti Conservateur du Canada, contestent à l'unisson la proposition d'éliminer cette circonscription. Rappelons également l'appui significatif obtenu par Kristina Michaud, députée d'Avignon–La Mitis–Matane–Matapédia, qui a publié une lettre ouverte co-signée par trente acteurs régionaux d'importance.

Bien que ces motifs pourraient paraître suffisants pour justifier le maintien de cette circonscription, d'autres arguments tout aussi solides plaident en ce sens.

Notre troisième argument est donc la baisse des services à la population. En ce qui a trait à la qualité et à la proximité des services, on est naturellement plus près de son monde avec deux comtés au lieu d'un seul. Récemment, les citoyens de la Gaspésie et du Bas-Saint-Laurent se sont tournés vers leur bureau de député pour obtenir des services en lien avec les passeports, la pandémie, l'assurance-emploi, entre autres. Ces services ont été prodigués de façon plus efficace et avec un degré de qualité supérieur parce que la région comptait deux représentants de la Chambre des communes plutôt qu'un seul. Les bureaux de députés sont animés par des équipes professionnelles, qui sont aussi bien au fait des enjeux et des préoccupations de leurs citoyens et qui sont en mesure de les assister efficacement. La proximité du député et de ses citoyens est donc garante pour la population de services de grande qualité. C'est crucial pour des régions comme la Gaspésie et le Bas-Saint-Laurent, où les députés font un travail immense, d'autant plus important qu'ils sont extrêmement ancrés dans leur milieu et qu'ils le connaissent sur le bout de leurs doigts. De façon tout aussi significative, le bureau d'un député est également une voie d'accès aux divers programmes d'aide gouvernementale. Depuis 2019, ce sont d'ailleurs 5M $ qui ont été distribués par les bureaux de comté à travers ces programmes qui sont accessibles pour justement, assurer une certaine vitalité dans la région.

Si l'on doit conserver ce comté, c'est aussi pour éviter de rompre les communautés d'intérêt. Il faut absolument s'abstenir de scinder la région de la Matanie et celle de la Matapédia qui seront séparées si on élimine une circonscription. Cette rupture briserait des relations historiques et naturelles entre les régions, municipalités et citoyens.

Sur ce point, rappelons-nous la démarche d'Élections Québec en 2011 concernant le comté de Gaspé. Le contexte géographique particulier de la circonscription de Gaspé, qui se situe à l'extrémité Est de la péninsule, fait en sorte que la seule façon d'y ajouter des électeurs consiste à l'agrandir vers l'Ouest. Il faudrait alors déplacer les limites de la circonscription de Gaspé jusqu'à la ville de Matane. Conséquemment, les distances à parcourir pour cette circonscription seraient très importantes tandis que la délimitation proposée ferait en sorte de scinder les territoires habités aux abords de Matane. C'est ce qu'il adviendrait suivant la proposition de la Commission. Au cours des audiences publiques, plusieurs intervenants ont fait valoir que la région administrative de la Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine représente bien les communautés naturelles en place, notamment pour la portion nord de la péninsule gaspésienne. Il s'agit visiblement d'une limite déterminante pour ce territoire, de même que pour la population et les élus qui y ont fait référence à plusieurs reprises. La détermination choisie entre les territoires de Gaspé et de Matane–Matapédia est donc plus respectueuse des communautés naturelles, des limites des régions administratives et des MRC. Notre recommandation est de vous inviter à vous inspirer de ce qu'Élections Québec a finalement conclu dans son analyse et de maintenir les circonscriptions actuelles, de même que les limites existantes.

Autre élément à l'appui du maintien de cette circonscription : depuis quelques années, la tendance démographique à la baisse pour la région de la Gaspésie s'est inversée. En effet, depuis cinq ans, l'Institut de la statistique du Québec observe un renversement de la situation, lequel s'est amplifié, de sorte que le bilan migratoire de la région a augmenté de façon positive. Ce seuil migratoire positif se traduit par une augmentation de la population en Gaspésie de 14.8 %. Traditionnellement, on observait une diminution de la population dans les régions, une situation qui affectait particulièrement la Gaspésie. On assiste depuis quelques années à un renversement de cette tendance qui s'explique notamment par la pandémie et le télétravail, mais également par le déploiement d'Internet haute-vitesse en région ainsi que par l'accès à la propriété, plus facile que dans les grands centres. Cette tendance est-elle là pour durer? Dans l'affirmative, ne devrait-on pas garder cette circonscription, compte tenu également des nombreux motifs énumérés ci-haut? De plus en plus de gens viendront possiblement habiter ici. Regardons la tendance. Regardons ce qui va arriver d'ici 10 ans. Il serait déplorable qu'on élimine une circonscription et qu'on en arrive à se dire que finalement, on n'aurait pas dû, car la tendance remarquée qui avait commencé en 2021, s'est accentuée et a engendré une augmentation de la population. Il serait vraiment dommage qu'on en arrive à se dire qu'on n'aurait pas dû et que l'on doive « remettre la pâte dans le tube ».

En conclusion, les chiffres parlent, mais la réalité pratique crie. Elle vous dit que cette région a des particularités et qu'elle est unique au Québec. Cette région vous demande de conserver les deux représentants qu'elle a à la Chambre des communes, et nous sommes convaincus que la voix régionale est celle de la raison. Le Bloc Québécois se range derrière cette mobilisation régionale exceptionnelle et vous demande, très humblement et en tout respect, de reconsidérer votre décision.

Note de bas de page

1 Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales L.R.C. (1985), ch. E-3

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