Redécoupage des circonscriptions fédérales de 2022

Addenda au Rapport Décisions à l'égard des oppositions

Introduction

Le 23 mars 2023, la Commission de délimitation des circonscriptions fédérales pour la province de la Nouvelle-Écosse (la Commission) a reçu du directeur général des élections le rapport du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre (PROC). Ce rapport contient trois oppositions au rapport définitif de la Commission. Comme le prévoit le paragraphe 23(1) de la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales (LRLCE), la Commission a réexaminé ses conclusions à la lumière du rapport du PROC et de la documentation connexe. Le présent document constitue la décision de la Commission à l'égard des oppositions et, le cas échéant, les motifs du rejet de celles-ci.

Changement de nom de circonscription

Après étude de l'opposition du ministre Fraser, la Commission a acquiescé à sa demande de changement de nom et a modifié en conséquence son rapport définitif. La circonscription proposée de Pictou—Eastern Shore sera renommée Nova-Centre. Là où Pictou—Eastern Shore apparaît dans le présent document, il est entendu que cette appellation redeviendra Nova-Centre.

Changements aux limites des circonscriptions

À tous les autres égards, le rapport définitif de la Commission restera tel quel. Après avoir accordé l'attention qui convient aux oppositions et à la documentation soumise à l'appui, la Commission rejette les demandes de modifications de limites. Elle explique sa décision ci-dessous.

Les trois oppositions aux limites des circonscriptions ont soulevé la question de l'équité procédurale assurée par la Commission dans sa façon de s'acquitter de son mandat. Toutes concernent l'absence de consultation de certaines communautés par la Commission. Mme Diab a soulevé le fait que la Commission n'a pas consulté les résidents de la région de la baie St. Margarets. Le ministre Fraser a critiqué le fait que la Commission n'a pas directement sollicité l'avis des communautés afro–néo-écossaises et de la Première Nation de Pictou Landing. M. Battiste affirme pour sa part que la Commission a contrevenu à son obligation constitutionnelle et à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA) en omettant de consulter les Premières Nations d'Eskasoni et de Wagmatcook. En outre, les préoccupations soulevées par ces intervenants ont trait aux limites proposées pour les circonscriptions qu'ils représentent.

La Commission traitera d'abord de la question de l'équité procédurale. Elle enchaînera avec le non-respect allégué de l'obligation de consulter et l'incidence de la DNUDPA. Enfin, elle examinera chacune des oppositions au tracé des limites des circonscriptions.

Équité procédurale

Les obligations procédurales de la Commission sont dictées par la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales (LRLCE). À tous égards, la Commission a respecté, voire dépassé, les obligations de la loi. Il n'existe aucun fondement aux griefs relatifs à des notifications déficientes, au nombre de rencontres et aux lieux choisis pour celles-ci, à des changements irréguliers apportés aux limites des circonscriptions entre la proposition et le rapport définitif ainsi qu'à une absence de consultation de communautés ou de groupes particuliers. (La critique selon laquelle la Commission n'a pas consulté directement les personnes autochtones sera traitée dans la prochaine section.)

Le processus que doit suivre une commission pour mener ses travaux est prescrit par la LRLCE. À partir des données du recensement décennal, elle prépare une proposition initiale de limites des circonscriptions fédérales (par. 14(2)). La Commission s'est acquittée de cette obligation.

La LRLCE exige ensuite qu'une commission donne avis de séances pour l'audition des observations sur la proposition. L'avis doit être publié dans la Gazette du Canada et dans au moins un journal de la province (par. 19(2)). L'avis doit être accompagné des limites proposées (par. 19(3)). La commission doit tenir au moins une séance en vue d'entendre les observations (par. 19(1)). Toutes ces exigences ont été respectées.

En plus de faire paraître l'avis sous la forme requise dans la Gazette du Canada, la Commission l'a fait publier dans trois journaux : The Chronicle Herald, Cape Breton Post et Le Courrier de la Nouvelle-Écosse. Pour mieux faire connaître ses travaux auprès du public, elle a également utilisé les médias sociaux (Facebook, Twitter et YouTube). La présidente de la Commission a accordé des entrevues dans les médias écrits et à la radio, durant lesquelles le processus de redécoupage a été expliqué et la participation du public, encouragée. Enfin, la proposition initiale, les dates des audiences et les conditions à respecter pour présenter des observations ont été versées sur le site Web de la Commission.

La Commission a dépassé l'exigence légale d'offrir une séance pour la présentation de la proposition et la formulation d'observations. En effet, elle a organisé huit audiences en personne, et ce à différents endroits sur le territoire. Une neuvième audience – virtuelle – a été organisée pour donner au public plus de possibilités de s'exprimer. Il n'y a aucune obligation d'organiser une audience dans chaque circonscription ou dans un endroit particulier. Le fait que la Commission n'a pas siégé à Halifax-Ouest comme l'affirme Mme Diab ou à Eskasoni comme le déplore M. Battiste n'équivaut pas à un manquement à l'équité procédurale.

Le ministre Fraser a affirmé qu'un manquement à l'équité procédurale résulte de la conduite de la Commission à l'égard de l'audience d'Antigonish. En tout respect pour lui, cette affirmation est sans fondement. Le ministre ne semble pas avoir noté que les audiences devaient se dérouler selon des règles précises imposant certaines restrictions. La LRLCE dispose que les personnes intéressées à présenter des observations à une audience doivent adresser un avis écrit (par. 19(5)). La Commission a également demandé que les personnes souhaitant être présentes à titre d'observatrices envoient elles aussi un avis. Cette demande avait pour but de s'assurer que la durée des audiences serait suffisante que les lieux choisis permettent d'accueillir les personnes présentant des exposés et celles présentant des observations. 

Se fondant sur le nombre d'avis reçus, la Commission n'avait aucune raison de croire que le lieu originalement choisi pour l'audience d'Antigonish (le même qu'avait choisi la commission précédente, en 2013) ne conviendrait pas. Ce n'est que le matin même que le bureau de circonscription du ministre a avisé la Commission qu'il annonçait dans les médias locaux la tenue d'une audience en la présentant comme une séance ouverte à tous. Cette promotion a eu pour effet d'encourager des personnes qui n'avaient pas envoyé d'avis à l'avance à se présenter à l'audience.

La Commission s'est mise à la recherche d'un autre endroit dès qu'elle a réalisé que le lieu prévu au départ ne permettrait probablement pas d'accueillir toutes les personnes attendues à la « rencontre publique ». Un endroit plus grand a heureusement été trouvé. Le personnel de la Commission a communiqué avec toutes les personnes qui s'étaient conformées à l'exigence de faire parvenir un avis pour les informer du changement. Des affiches ont été posées au lieu prévu au départ pour informer les personnes intéressées que la séance aurait lieu à un autre endroit, à faible distance du premier. Comme l'avait prévu le bureau de circonscription du ministre, un grand nombre de personnes se sont présentées (un nombre considérablement plus élevé que le nombre d'avis reçus). De toute évidence, cette grande participation résultait du fait que l'audience avait erronément été décrite dans la promotion comme une séance ouverte au grand public. Toutes les personnes qui se sont présentées ont pu entrer dans la salle et assister à l'audience. Toutes les personnes qui souhaitaient présenter des observations ont pu le faire, y compris celles qui n'avaient pas respecté l'exigence prévue dans la LRLCE de faire parvenir un avis. Les médias ont assisté à l'audience. Au moins une entrevue a été donnée par la présidente immédiatement après la rencontre.

Il n'existe aucun fondement à l'affirmation du ministre selon laquelle le choix initial de lieu fait par la Commission pour Antigonish ou le changement de lieu aurait empêché des personnes, des groupes ou des municipalités de formuler des observations au sujet de la proposition. L'audience d'Antigonish, qui a eu lieu le 31 mai 2022, était la deuxième de neuf. De nombreuses occasions s'offraient pour la présentation d'observations aux sept autres audiences. De plus, la Commission a accepté les observations écrites jusqu'au 28 juin 2022. Toute personne incitée à ne pas formuler des observations le 31 mai 2022 en raison du choix du lieu ou du changement de lieu disposait encore de 28 jours pour faire connaître son opinion à la Commission. Aucun manquement à l'équité procédurale ne résulte de la façon dont la Commission a planifié ou mené l'audience d'Antigonish. La nécessité de changer de lieu à brève échéance est regrettable, mais ce sont de tierces parties, et non la Commission, qui en sont responsables.

La loi exige d'une commission qu'elle rédige un rapport définitif après les audiences. C'est ce à quoi s'est employée la présente Commission. Soulignons qu'il n'est pas fait mention dans la LRLCE d'une deuxième série de consultations que mènerait une commission à propos des changements apportés à sa proposition initiale. Cette seconde série de consultation empêcherait une commission de respecter l'échéancier serré que la LRLCE lui impose (par. 20(1)).

Le contenu du rapport définitif montre clairement que la Commission a tenu compte des observations faites par le public lors des audiences et dans des communications écrites et que ces observations ont entraîné des modifications à la proposition initiale. Cette dynamique illustre l'exact fonctionnement prévu du processus de redécoupage. Une commission n'est pas liée par sa proposition initiale et ne peut prévoir ce qui dans les observations du public risque de modifier sa première appréciation des faits. Le fait que le rapport définitif de la Commission fasse état d'autres modifications aux circonscriptions que celles mentionnées dans la proposition initiale n'a rien d'exceptionnel, de suspect, de trompeur ou d'inéquitable sur le plan procédural. Le manquement à l'équité procédurale qui résulterait selon Mme Diab des différences dans les limites de Halifax-Ouest entre la proposition et le rapport définitif est sans fondement.

La Commission répond de la même manière à M. Battiste, selon lequel l'équité procédurale n'a pas été assurée en raison des différences dans les limites des deux circonscriptions de l'île du Cap-Breton observées dans le rapport définitif et dans la proposition initiale. M. Battiste laisse entendre que ces modifications apportées sans préavis ont été un choc pour ses électeurs et pour lui-même. Il affirme que rien ne lui laissait présager que les limites décrites dans la proposition ne seraient pas les mêmes dans le rapport définitif. Avec tout le respect dû à M. Battiste, ses propos mettent en exergue son incompréhension fondamentale du processus de redécoupage. Qui plus est, il était certainement connu du public que des changements aux circonscriptions proposées de l'île du Cap-Breton étaient suggérés et envisagés par la Commission. L'audience de Sydney a eu lieu le 30 mai 2022. Les médias y ont accordé une attention importante. Le 31 mai 2022, le Cape Breton Post a publié un article sur les changements éventuels à la proposition de la Commission. L'auteur, M. Ian Nathanson, écrit ce qui suit :

[Traduction]

Les trois personnes qui forment la Commission de délimitation des circonscriptions électorales pour la Nouvelle-Écosse a entendu quelques solutions de rechange potentielles lundi soir dans la salle Celtic de l'hôtel Cambridge Suites.

Une circonscription urbaine et une circonscription rurale

Vince MacLean, ancien maire de Sydney, député à l'Assemblée législative et chef du Parti libéral de la province, a suggéré à la Commission une autre composition de la population pour les deux circonscriptions de l'île du Cap-Breton.

« L'une des circonscriptions, entièrement urbaine, comprendrait North Sydney, Sydney Mines, New Waterford, Dominion, Sydney, Glace Bay et la majorité, voire la totalité, du comté du Cap-Breton.

« L'autre serait formée des comtés d'Inverness, de Richmond et de Victoria ainsi que d'Eskasoni. Cette solution éviterait de scinder dans deux circonscriptions la présence micmaque importante d'Eskasoni et la présence francophone importante de Chéticamp et Richmond County. Et l'inclusion d'une partie du territoire continental resterait possible. Cependant, je suggérerais de limiter à deux le nombre de circonscriptions sur l'île. »

. . .

L'objectif des audiences publiques est d'entendre les commentaires des résidents. Après ces consultations, la Commission examinera la proposition circonscription par circonscription, mais aussi d'un point de vue panprovincial, dit Mme Bourgeois. « Une idée peut être fantastique dans une circonscription, mais entraîner une cascade de conséquences dans les circonscriptions limitrophes », dit-elle.

Les travaux de la Commission ont également été rapportés par la Canadian Broadcasting Corporation, qui a notamment mentionné que la proposition initiale pourrait être modifiée à la lumière des commentaires du public. Extrait d'un reportage d'Emily Latimer :

[Traduction]

Des consultations publiques jusqu'au 28 juin

La première de neuf audiences publiques visant à entendre les commentaires sur des modifications éventuellement apportées aux limites des circonscriptions a eu lieu à Sydney lundi soir.

La juge Cindy Bourgeois de la Cour d'appel de la Nouvelle-Écosse préside la commission de délimitation des circonscriptions électorales, qui compte trois membres. Elle mentionne que cinq personnes ont fait des présentations.

« Ce qui ressort le plus des propos entendus est le souhait qu'il y ait une circonscription rurale et une circonscription urbaine sur l'île du Cap-Breton, une éventualité qui nécessiterait des changements aux limites que nous avons proposées pour l'île, dit la juge.

. . .

« Il est certain qu'une proposition sensée pour un endroit en particulier ne sera pas ignorée », ajoute-t-elle.

Mme Bourgeois a mentionné que la date limite pour la soumission d'observations écrites a été repoussée au 28 juin.

Il est regrettable que M. Battiste n'ait pas remarqué les reportages diffusés par les médias sur les travaux de la Commission et qu'il ne les ait pas fait suivre à ses électeurs. Aucun manquement de la Commission à l'équité procédurale ne saurait être associé à son inaction à cet égard.

Le ministre Fraser affirme que la Commission a failli à son obligation d'assurer l'équité procédurale en ne consultant pas les communautés noires et autochtones. Après l'audience d'Antigonish, le ministre a effectivement suggéré que la Commission sollicite le point de vue de ces communautés. Il n'y a pas de manquement à l'équité procédurale du fait que la Commission ait décidé de ne pas retenir cette suggestion. La LRLCE n'exige pas la consultation d'un groupe ou d'une communauté en particulier. Elle exige uniquement que la publication de la proposition soit annoncée et que la formulation de commentaires soit sollicitée. Comme nous l'avons déjà mentionné, la Commission a pris des mesures supplémentaires pour faire connaître le processus de redécoupage et susciter la participation du public. D'ailleurs, c'est à la suite d'observations formulées par des Afro–Néo-Écossais que les communautés des Preston, qui faisaient partie de la circonscription de Pictou—Eastern Shore dans la proposition, ont été en fin de compte intégrées à une circonscription plus urbaine. 

Il est possible qu'Élections Canada et les futures commissions souhaitent envisager d'autres moyens de rejoindre des communautés socioéconomiques, ethniques, raciales, linguistiques, religieuses, culturelles ou de genres particuliers, mais aucune obligation de le faire n'existe en ce moment. Pour exiger que les commissions mènent des consultations formelles auprès de telles communautés, notamment les Premières Nations, une modification officielle de la LRLCE par le Parlement serait nécessaire. Et il faudrait que la formulation des nouvelles dispositions assure une uniformité et une clarté dans l'application de cette exigence de consultations supplémentaires par les différentes commissions du pays.

Pour les raisons susmentionnées, la Commission réfute les allégations de manquement à l'équité procédurale.

Obligation de consulter et application de la DNUDPA.

Compte tenu de l'importance de la question, nous répondrons en détail à l'affirmation selon laquelle la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA) et les droits constitutionnels des personnes autochtones ont été enfreints du fait que la Commission n'a pas sollicité l'avis de celles-ci sur les limites des circonscriptions fédérales.

M. Battiste menace de recourir à la justice – une éventualité qui recueille l'appui de la majorité du PROC – si la Commission ne modifie pas comme il le veut les limites des circonscriptions. Dans les circonstances, la Commission estime nécessaire de parler de l'état précis du droit.

La Commission a examiné les préoccupations exprimées par les leaders autochtones. Elle reconnaît que la reconnaissance des droits ancestraux et issus de traités a été une dure bataille pour les peuples autochtones et qu'une opposition musclée à une conduite inappropriée de la Couronne est entièrement justifiée.

M. Battiste et le ministre Fraser allèguent que la Commission a manqué à l'obligation protégée par la Constitution de consulter les peuples autochtones. Pour répondre de manière satisfaisante à cette affirmation, il est nécessaire d'examiner les directives données par la Cour suprême du Canada en ce qui concerne la nature et la portée des droits ancestraux ainsi que le moment où l'obligation de consulter est déclenchée.

Toute analyse des droits ancestraux débute par le paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982. Ce paragraphe se lit comme suit :

Les droits existants – ancestraux ou issus de traités – des peuples autochtones du Canada sont reconnus et confirmés.

La Commission admet sans réserve que les droits ancestraux et issus de traités sont protégés par la Constitution. Cette protection est au cœur de l'obligation de la Couronne de consulter les personnes autochtones. Nous débuterons par un examen de la nature d'un droit ancestral. La question de la nature de cette obligation suivra.

La nature et la portée de ce qui constitue un droit ancestral est déterminée par ce que l'on appelle le critère de Van der Peet (R. c. Van der Peet, [1996] 2 R.C.S. 507). Récemment, la Cour suprême du Canada a, dans R. c Desautel, 2021 CSC 17, déterminé que ce critère continuait de s'appliquer. Le juge Rowe s'exprime ainsi :

51 La démarche de l'arrêt Van der Peet a été reprise par la Cour dans Bande indienne des Lax Kw'alaams c. Canada (Procureur général), 2011 CSC 56, [2011] 3 R.C.S. 535, au par. 46 :

(a) déterminer, à partir des actes de procédure et de la preuve, la nature exacte du droit ancestral revendiqué (Van der Peet, par. 53; Gladstone, par. 24; Mitchell, par. 14‑19).

(b) déterminer si le demandeur a établi l'existence de la pratique, tradition ou coutume précontact en question et le fait que cette pratique, tradition ou coutume faisait partie intégrante de la culture distinctive de la société avant son contact avec les Européens (Van der Peet, par. 46; Mitchell, par. 12; Sappier, par. 40‑45).

(c) déterminer si le droit contemporain revendiqué est « manifestement lié à la pratique précontact et raisonnablement considéré comme le prolongement de cette pratique » (Lax Kw'alaams, par. 46).

La Cour suprême du Canada insiste sur le fait qu'une obligation de consulter survient lorsqu'une action posée par la Couronne enfreint ou risque d'enfreindre un droit autochtone. Dans l'arrêt Nation Haïda c. Colombie-Britannique (Ministre des Forêts), 2004 CSC 73 (CanLII), [2004] 3 R.C.S. 511, elle confirme l'obligation de consulter de la Couronne et la portée de cette obligation. Les affaires subséquentes ont confirmé que les principes de cet arrêt demeurent pertinents. Dans cette décision, la juge en chef McLachlin écrit :

35 Mais à quel moment, précisément, l'obligation de consulter prend‑elle naissance? L'objectif de conciliation ainsi que l'obligation de consultation, laquelle repose sur l'honneur de la Couronne, tendent à indiquer que cette obligation prend naissance lorsque la Couronne a connaissance, concrètement ou par imputation, de l'existence potentielle du droit ou titre ancestral revendiqué et envisage des mesures susceptibles d'avoir un effet préjudiciable sur celui‑ci : voir Halfway River First Nation c. British Columbia (Ministry of Forests), [1997] 4 C.N.L.R. 45 (C.S.C.-B.), p. 71, le juge Dorgan.

36 Il reste l'argument d'ordre pratique. On affirme que, tant qu'une revendication n'est pas réglée, la Couronne ne peut pas savoir si les droits revendiqués existent ou non et que, de ce fait, elle ne peut être tenue à une obligation de consulter ou d'accommoder. Cette difficulté ne saurait être niée ou minimisée. Comme je l'ai déclaré (dans mes motifs dissidents) dans Marshall, précité, par. 112, on ne peut « analyser utilement la question de la prise en compte d'un droit ou de la justification de ses limites sans avoir une idée de l'essence de ce droit et de sa portée actuelle ». Cependant, il est souvent possible de se faire, à l'égard des droits revendiqués et de leur solidité, une idée suffisamment précise pour que l'obligation de consulter et d'accommoder s'applique, même si ces droits n'ont pas fait l'objet d'un règlement définitif ou d'une décision judiciaire finale. Pour faciliter cette détermination, les demandeurs devraient exposer clairement leurs revendications, en insistant sur la portée et la nature des droits ancestraux qu'ils revendiquent ainsi que sur les violations qu'ils allèguent. C'est ce qui s'est produit en l'espèce, lorsque le juge en son cabinet a procédé à une évaluation préliminaire, fondée sur la preuve, de la solidité des revendications des Haïda à l'égard des terres et des ressources des îles Haïda Gwaii, en particulier du Bloc 6.

37 Il y a une différence entre une connaissance suffisante pour entraîner l'application de l'obligation de consulter et, s'il y a lieu, d'accommoder, et le contenu ou l'étendue de cette obligation dans une affaire donnée. La connaissance d'une revendication crédible, mais non encore établie suffit à faire naître l'obligation de consulter et d'accommoder. Toutefois, le contenu de l'obligation varie selon les circonstances, comme nous le verrons de façon plus approfondie plus loin. Une revendication douteuse ou marginale peut ne requérir qu'une simple obligation d'informer, alors qu'une revendication plus solide peut faire naître des obligations plus contraignantes. Il est possible en droit de différencier les revendications reposant sur une preuve ténue des revendications reposant sur une preuve à première vue solide et de celles déjà établies. Les parties peuvent examiner la question et, si elles ne réussissent pas à s'entendre, les tribunaux administratifs et judiciaires peuvent leur venir en aide. Il faut régler les problèmes liés à l'absence de preuve et de définition des revendications en délimitant l'obligation de façon appropriée et non en niant son existence.

La juge en chef McLachlin ajoute que l'obligation de consulter incombe entièrement à la Couronne et ne s'applique par à de tierces parties :

52 La Cour d'appel a conclu que Weyerhaeuser, l'entreprise forestière détenant la CFF 39, avait l'obligation de consulter les Haïda et de trouver des accommodements à leurs préoccupations. En toute déférence, je ne puis souscrire à cette conclusion.

53 Il a été dit (le juge Lambert de la Cour d'appel) qu'un tiers peut être tenu de consulter les Autochtones concernés du fait qu'il a la faculté, en cas de violation des droits de ces derniers, de plaider en défense que l'atteinte est justifiée. Comme nous l'avons vu, cependant, l'obligation de consulter et d'accommoder découle de la proclamation de la souveraineté de la Couronne sur des terres et ressources autrefois détenues par le groupe autochtone concerné. Cette théorie ne permet pas de conclure que les tiers ont l'obligation de consulter ou d'accommoder. La Couronne demeure seule légalement responsable des conséquences de ses actes et de ses rapports avec des tiers qui ont une incidence sur des intérêts autochtones. Elle peut déléguer certains aspects procéduraux de la consultation à des acteurs industriels qui proposent des activités d'exploitation; cela n'est pas rare en matière d'évaluations environnementales. Ainsi, la CFF 39 obligeait Weyerhaeuser à préciser les mesures qu'elle entendait prendre pour identifier et consulter les [TRADUCTION] « Autochtones qui revendiquaient un intérêt ancestral dans la région » (CFF 39, CFF haïda, paragraphe 2.09g)(ii)). Cependant, la responsabilité juridique en ce qui a trait à la consultation et à l'accommodement incombe en dernier ressort à la Couronne. Le respect du principe de l'honneur de la Couronne ne peut être délégué.

Retournons maintenant à l'opposition de M. Battiste, qui écrit :

[Traduction]

Les droits ancestraux et issus de traités des Premières Nations micmaques sont des droits dont la protection par la Constitution est établie. Les Micmacs sont un peuple autochtone du Canada. Les tribunaux ont reconnu que le peuple micmac a des droits autochtones et issus de traités établis qui doivent être respectés et conciliés avec les autres droits constitutionnels (Simon c. La Reine, [1985] 2 R.C.S. 387; R. c. Denny (1990), 55 C.C.C. (3d) 322; R. c. Marshall, précité)

La Commission ne s'oppose pas aux principes généraux susmentionnés. Toutefois, un examen de la jurisprudence citée par M. Battiste fait ressortir le caractère contestable de sa pertinence en l'espèce.

Dans l'arrêt Simon, la Cour suprême du Canada a déterminé que l'article 4 du Traité de 1752 conférait aux membres de la bande Shubenacadie (Indian Brook) un droit de chasse. M. Simon a donc été acquitté des accusations d'avoir chassé sans permis portées contre lui en vertu de la loi provinciale sur les terres et les forêts. La disposition pertinente du Traité va comme suit :

4. On est plus Convenu que la susditte Tribu des Sauvages, ne sera aucunement empêchée mais au contraire, aura une entière Liberté de chasser et de pêcher comme de coutume. Et qu'au cas que les dits Sauvages demandassent quil leur fut alloué un Magazin d'Echange sur la Rivière Chubenaccadie, ou dans toute autre Place de leurs Habitations, ils en aurront un de batis remplis des Marchandizes convenables pour être échangées avec celles des Sauvages, et qu'au même tems les dits Sauvages auront un entière Liberté d'apporter vendre à Halifax ou dans quelqu'autre Plantation que ce soit dans cette Province, les Pelletries, Vollailles Poissons, et toute autre Chose quils auront à vendre et le tout a tel Avantage quils en pourront tirer.

La cour n'a pas précisé si M. Simon avait un quelconque type de droit issu d'un traité au regard de la circonscription fédérale de son lieu de résidence. L'arrêt n'établit pas qu'une obligation de consulter est déclenchée du fait que les limites de sa circonscription sont susceptibles d'être modifiées. Malgré son importance dans l'établissement du droit de chasser issu d'un traité des personnes micmaques, l'arrêt n'est pas pertinent dans le cas qui nous occupe.

L'affaire Denny est une décision de la Cour d'appel de la Nouvelle-Écosse. MM. Denny, Paul et Sylliboy avaient été reconnus coupables de pêche au saumon sans permis, de possession interdite de saumon et de pêche au collet, en violation de la loi fédérale sur les pêches. La cour a statué que ces personnes, des Micmacs, avaient un droit de pêche ancestral protégé par le paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle. Elles ont été acquittées.

Dans cette affaire, la cour ne mentionne pas l'existence d'un droit ancestral lié à la circonscription fédérale du lieu de résidence des appelants. Qui plus est, elle ne parle pas de l'existence d'une éventuelle obligation de consulter que déclencherait la modification des limites d'une circonscription.

Dans l'arrêt Marshall ([1999] 3 R.C.S. 456), le juge Binnie commence l'exposition des motifs majoritaires comme suit :

1 Par un matin d'août, il y a six ans, l'appelant et un ami, tous deux des Indiens mi'kmaq, sont allés pêcher l'anguille avec leur petit hors‑bord dans les eaux côtières de Pomquet Harbour, dans le comté d'Antigonish en Nouvelle‑Écosse. Ils en ont pris 463 livres, qu'ils ont vendues pour 787,10 $, activités pour lesquelles l'appelant a été arrêté et accusé.

2 Par un matin d'août également, mais il y a plus longtemps de cela, soit environ 235 ans, le révérend John Seycombe, de Chester en Nouvelle‑Écosse, missionnaire et, parfois, compagnon de table du gouverneur, a écrit avec satisfaction dans son journal, [TRADUCTION] « Deux Indiennes ont apporté des peaux de phoque et des anguilles pour les vendre ». Cette transaction s'est apparemment déroulée sans arrestation ni autre incident. L'élément de continuité entre ces événements est, semble‑t‑il, que les Mi'kmaq subviennent en partie à leurs besoins en pêchant et en faisant le commerce du poisson (y compris l'anguille), et ce depuis que les Européens ont visité pour la première fois, au 16e siècle, les côtes du territoire qui est maintenant la Nouvelle‑Écosse. L'appelant affirme que les Mi'kmaq ont le droit de continuer à le faire en vertu d'un droit issu d'un traité conclu avec la Couronne britannique en 1760. Comme l'a souligné ma collègue le juge McLachlin, l'appelant est coupable des infractions reprochées sauf si ses activités étaient protégées par un droit existant -- ancestral ou issu de traité. Aucun droit ancestral n'a été invoqué; l'appelant a décidé de fonder sa cause entièrement sur les traités conclus par les Mi'kmaq en 1760 et en 1761.

En déterminant que M. Marshall devait être acquitté, la Cour suprême a statué que les dispositions des traités de 1760 et 1761 lui conféraient un droit de pêche commerciale, et que le maintien des accusations enfreindrait son droit issu d'un traité de commercer à des fins de subsistance. La décision ne dit rien d'éventuels droits issus d'un traité liés à la circonscription fédérale dans laquelle réside M. Marshall. Bien que l'arrêt soit important dans la confirmation de l'existence de droits de pêche issus de traités pour les Micmacs, il n'est pas pertinent pour les travaux de la Commission.

Dans l'arrêt Mikisew, la Cour suprême du Canada a conclu qu'une obligation de consulter était déclenchée lorsque des mesures prises par la Couronne empiétaient sur des droits issus d'un traité. Le juge Binnie résume le litige dans les paragraphes liminaires de ses motifs :

1 L'objectif fondamental du droit moderne relatif aux droits ancestraux et issus de traités est la réconciliation entre les peuples autochtones et non autochtones et la conciliation de leurs revendications, intérêts et ambitions respectifs. La gestion de ces rapports s'exerce dans l'ombre d'une longue histoire parsemée de griefs et d'incompréhension. La multitude de griefs de moindre importance engendrés par l'indifférence de certains représentants du gouvernement à l'égard des préoccupations des peuples autochtones, et le manque de respect inhérent à cette indifférence, ont causé autant de tort au processus de réconciliation que certaines des controverses les plus importantes et les plus vives. Et c'est le cas en l'espèce.

2 Le Traité no 8 est l'un des plus importants traités conclus après la Confédération. Les premières nations qui l'ont signé en 1899 ont cédé à la Couronne une superficie de 840 000 kilomètres carrés de terres situées dans ce qui est maintenant le nord de l'Alberta, le nord‑est de la Colombie‑Britannique, le nord‑ouest de la Saskatchewan et la partie sud des Territoires du Nord‑Ouest. Pour donner une idée de l'étendue du territoire cédé, sa superficie est de très loin supérieure à celle de la France (543 998 kilomètres carrés), elle excède celle du Manitoba (650 087 kilomètres carrés), de la Saskatchewan (651 900 kilomètres carrés) et de l'Alberta (661 185 kilomètres carrés), et elle équivaut presque à celle de la Colombie‑Britannique (948 596 kilomètres carrés). En contrepartie de cette cession, on a promis aux premières nations des réserves et certains autres avantages, y compris, ce qui leur importait le plus, les droits de chasse, de piégeage et de pêche suivants :

[TRADUCTION] Et Sa Majesté la Reine convient par les présentes avec les dits sauvages qu'ils auront le droit de se livrer à leurs occupations ordinaires de la chasse au fusil, de la chasse au piège et de la pêche dans l'étendue de pays cédée telle que cidessus décrite, subordonnées à tels règlements qui pourront être faits de temps à autre par le gouvernement du pays agissant au nom de Sa Majesté et sauf et excepté tels terrains qui de temps à autre pourront être requis ou pris pour des fins d'établissements, de mine, d'opérations forestières, de commerce ou autres objets.

3 En fait, pour diverses raisons (y compris un manque d'intérêt de la part des Autochtones), on n'a pas mis de côté suffisamment de terres aux fins d'établissement de réserves pour la Première nation crie Mikisew (les « Mikisew ») avant l'adoption du Treaty Land Entitlement Agreement de 1986, soit 87 ans après la signature du Traité no 8. Moins de 15 ans plus tard, le gouvernement fédéral a approuvé la construction d'une route d'hiver de 118 kilomètres qui, selon le plan original, traversait la nouvelle réserve de la Première nation Mikisew à Peace Point. Le gouvernement n'a pas jugé nécessaire de consulter directement les Mikisew avant de prendre cette décision. À la suite des protestations de ces derniers, le tracé de la route d'hiver a été modifié de manière à longer la limite de la réserve de Peace Point plutôt que de la traverser, toujours sans que les Mikisew aient été consultés. Le tracé modifié de la route traversait les lignes de piégeage d'environ 14 familles Mikisew vivant dans le secteur voisin de la route projetée, et ceux d'autres personnes pouvant installer des pièges dans ce secteur sans y vivre, ainsi que les territoires de chasse d'une centaine de Mikisew dont les activités de chasse (principalement à l'orignal) risquaient, selon les Mikisew, d'être perturbées. Le fait que la route d'hiver projetée ne nuise directement qu'à environ 14 trappeurs Mikisew et quelque 100 chasseurs peut ne pas sembler très dramatique (sauf si vous êtes vous‑même un des trappeurs ou des chasseurs en question), mais dans le contexte d'une collectivité éloignée du nord composée d'un nombre relativement restreint de familles, ce fait a de l'importance. Au‑delà de tout cela, le principe de tenir des consultations avant de porter atteinte à des droits issus de traités existants constitue néanmoins une question qui revêt une importance générale en ce qui concerne les rapports entre les peuples autochtones et non autochtones. Ce principe touche au cœur de ces rapports et concerne non seulement les Mikisew, mais aussi d'autres premières nations et les gouvernements non autochtones.

4 En l'espèce, les rapports n'ont pas été bien gérés. Aucune consultation adéquate n'a été tenue avant l'approbation de la ministre. La démarche adoptée par le gouvernement a nui au processus de réconciliation plutôt que de le faire progresser. L'obligation de consultation qui découle du principe de l'honneur de la Couronne, ainsi que l'obligation de celle‑ci de respecter les droits issus de traités existants des peuples autochtones (maintenant reconnus à l'art. 35 de la Loi constitutionnelle de 1982) ont été violées. Je suis d'avis d'accueillir le pourvoi des Mikisew, d'annuler l'approbation de la ministre et de lui renvoyer le dossier pour qu'elle tienne des consultations et qu'elle en poursuive l'examen.

Cet arrêt ne conclut pas que les Micmacs (ou les Mikisew) jouissent d'un droit issu d'un traité au regard de la circonscription fédérale de leur résidence ou qu'une obligation de consulter est déclenchée par la possibilité que des modifications soient apportées aux limites de leur circonscription. Ce qu'il réaffirme, c'est le principe selon lequel le gouvernement doit consulter les peuples autochtones avant d'empiéter sur un de leurs droits issus d'un traité. Cependant, le libellé de chaque traité est important dans la détermination de l'existence ou non d'un tel droit.

La Commission estime qu'une juste application des principes juridiques énoncés par la Cour suprême du Canada permet de conclure que le processus de redécoupage des circonscriptions n'entraîne pas d'une obligation de consulter les communautés autochtones (mis à part l'obligation de publier un avis conformément à la LRLCE et de tenir compte des observations reçues). Son raisonnement est exposé dans les lignes qui suivent.

Premièrement, l'obligation de consulter concerne la Couronne, et non des tiers indépendants du gouvernement. MM. Battiste et Fraser fondent leurs affirmations selon lesquelles l'obligation de consulter n'a pas été respectée sur l'impression qu'en menant ses travaux, la Commission est la Couronne, ou un mandataire de celle-ci. Ce raisonnement est mal fondé.

Le Parlement a explicitement choisi de donner une indépendance aux commissions. La LRLCE définit en ces termes leur statut :

12. Les commissions ne sont pas mandataires de Sa Majesté et leurs membres ne font pas, à ce titre, partie de l'administration publique fédérale.

Il ne fait pas de doute que la Commission est indépendante de la Couronne. Elle ne fait pas partie de l'administration fédérale et n'a pas de rôle de mandataire. Comme le montrent les principes juridiques qui précèdent, l'obligation de consulter appartient à la Couronne et à la Couronne seule. La Commission, qui est un tiers indépendant, n'est pas concernée par cette obligation.

Bien que le statut de la Commission suffise pour écarter les affirmations de M. Battiste et du ministre Fraser, il est tout aussi clair que même si une telle obligation existait, elle ne serait pas déclenchée dans le cas présent. L'obligation de consulter survient dans des circonstances précises : lorsque des mesures de la Couronne affectent ou risquent d'affecter un droit ancestral préeuropéen ou un droit issu d'un traité. C'est la partie qui invoque ce droit qui a l'obligation de faire la preuve de son existence. En toute déférence, ni M. Battiste ni M. Fraser ne s'est acquitté de cette obligation.

Bien que cela ne soit pas tout à fait clair, il semble que le « droit » invoqué ici soit celui d'augmenter la représentation effective des Autochtones et d'accroître la possibilité d'élire une personne micmaque au Parlement, et que tout ce qui risque de nuire à ce droit déclencherait une obligation de consulter. En toute déférence, rien dans l'une ou l'autre des oppositions ne permet de conclure qu'un droit revendiqué au sujet de la constitution des circonscriptions fédérales existait avant le contact avec les Européens ou que d'autres aspects du critère Van der Peet sont satisfaits en l'espèce. Un droit à la représentation effective dans un système de gouvernement imposé par le colonisateur ne saurait être considéré comme un droit acquis par le peuple micmac avant l'arrivée des Européens. Cela dit, nous aborderons la question de la représentation effective du peuple micmac lorsque nous traiterons de l'opposition de M. Battiste aux limites des circonscriptions.

M. Battiste allègue également que l'obligation de consulter déclenchée par des changements proposés aux limites des circonscriptions fédérales est imposée par traité. La jurisprudence met en lumière l'existence de traités de paix et d'amitié applicables entre la Couronne et le peuple micmac. Certaines dispositions de ces traités ont été utilisées pour établir des droits de chasse et de pêche. La Commission ignore s'il existe un traité entre la Couronne et le peuple micmac au sujet de la représentation de celui-ci au Parlement du Canada. Outre une affirmation générale sur l'existence d'un tel droit issu d'un traité, M. Battiste n'a pas précisé quelle disposition issue d'un traité lui permettait de dire que des changements aux circonscriptions fédérales entraînaient une obligation de consulter.

Pour terminer, la Commission répondra à l'affirmation de M. Battiste selon laquelle l'adoption par le Canada de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA) faisait en sorte que la Commission devait, en plus de consulter les peuples autochtones, obtenir leur consentement avant de modifier les limites des circonscriptions. M. Battiste invoque l'article 32(2) de la Déclaration :

Les États consultent les peuples autochtones concernés et coopèrent avec eux de bonne foi par l'intermédiaire de leurs propres institutions représentatives, en vue d'obtenir leur consentement, donné librement et en connaissance de cause, avant l'approbation de tout projet ayant des incidences sur leurs terres ou territoires et autres ressources, notamment en ce qui concerne la mise en valeur, l'utilisation ou l'exploitation des ressources minérales, hydriques ou autres.

La Commission met en exergue l'article 38 :

Les États prennent, en consultation et en coopération avec les peuples autochtones, les mesures appropriées, y compris législatives, pour atteindre les buts de la présente Déclaration.

Comme l'indique à juste titre M. Battiste, le Canada a adopté la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, L.C. 2021, ch. 14. Cette loi est un engagement important pris par le gouvernement fédéral pour reconnaître les droits des Autochtones et pour prendre des mesures importantes dans le but d'éliminer la discrimination systémique et de faciliter la réconciliation. Nous mentionnerons deux dispositions d'importance particulière :

5.  Le gouvernement du Canada, en consultation et en collaboration avec les peuples autochtones, prend toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que les lois fédérales soient compatibles avec la Déclaration.

6. (1) Le ministre, en consultation et en coopération avec les peuples autochtones et d'autres ministres fédéraux, élabore et met en œuvre un plan d'action afin d'atteindre les objectifs énoncés dans la Déclaration.

Le paragraphe 6(4) dispose que le ministre doit élaborer un plan d'action « … dès que possible ou, au plus tard, dans les deux ans suivant la date d'entrée en vigueur du présent article. » Une fois finalisé, le plan d'action est déposé au Parlement (par. 6(5)) puis rendu public (par. 6(6)).

Selon le site Web de Justice Canada, le plan d'action sur la mise en œuvre de la Déclaration est encore attendu. On y lit que le gouvernement fédéral travaille actuellement en consultation avec les peuples autochtones pour élaborer le plan d'action et prendre des mesures pour s'assurer que les lois fédérales sont conformes à la Déclaration. La première phase du processus de consultation est terminée, et une ébauche peut être consultée. Il est clair que beaucoup d'autres consultations auront lieu avec les peuples autochtones et les autres parties intéressées avant qu'une version définitive soit disponible.

Dans l'ébauche du plan, le gouvernement fédéral propose une façon de mettre en œuvre la Loi qui permette de s'assurer que « … les lois fédérales sont conformes à la Déclaration » :

Le gouvernement du Canada prendra les mesures suivantes en consultation et en collaboration avec les peuples autochtones :

. . .

2. Déterminer et classer par ordre de priorité les lois fédérales existantes en vue d'une révision et d'une éventuelle modification, notamment :

- Une disposition de non-dérogation dans la Loi d'interprétation. (Justice du Canada)

- Envisager l'élaboration d'une disposition interprétative à inclure dans la Loi d'interprétation ou d'autres lois, qui prévoirait le recours à la Déclaration dans l'interprétation des lois fédérales. (Justice du Canada)

- Tout autre texte législatif précis qui est déjà en cours d'examen ou qui a été désigné par les peuples autochtones et les ministères concernés devant être examiné en priorité. (Tous les ministères)

En conclusion, M. Battiste se trompe en affirmant que la Commission avait l'obligation de consulter les Micmacs et d'obtenir leur consentement avant de modifier les limites des circonscriptions en vertu de l'article 32(2) de la Déclaration ou de la Loi. Nous ferons les observations suivantes :

L'article 32(2) et la Déclaration dans son ensemble concernent les mesures des « États » à l'égard des personnes autochtones. Comme nous l'avons expliqué, la Commission n'est ni la Couronne (ou l'État) ni un mandataire de celle-ci.

Même la lecture la plus large de l'article 32(2) ne permet pas de soutenir l'affirmation selon laquelle des modifications apportées aux circonscriptions seraient concernées par la disposition. Celle-ci ne s'applique pas aux travaux de la Commission.

La Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones a reçu la sanction royale, mais elle est loin d'être mise en œuvre. Les travaux d'élaboration de son plan d'action sont en cours.

Le gouvernement fédéral prévoit consulter à l'avenir les peuples autochtones pour déterminer quelles sont les lois qui doivent être modifiées afin de mettre en œuvre la Déclaration. En bref, la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales n'ayant pas été modifiée (il n'est pas sûr qu'elle le soit), elle ne comporte pas d'obligation pour les commissions de respecter la Déclaration en général ou l'article 32(2) en particulier.

La Commission invite M. Battiste et les leaders autochtones qui partagent ses objections à soumettre celles-ci au ministre responsable de la mise en œuvre de la Loi. Le cas échéant, la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales fera partie des lois qui, selon le plan d'action définitif, doivent être révisées.

Pour les raisons susmentionnées, la Commission estime que les oppositions qui concernent l'obligation de consulter les peuples autochtones sont sans fondement.

Oppositions à des limites particulières

Avant d'aborder les trois oppositions, rappelons les principes que doit suivre la Commission au moment d'établir les limites des circonscriptions. L'article 15 de la LRLCE prévoit ce qui suit :

15(1) Pour leur rapport, les commissions suivent les principes suivants :

a) le partage de la province en circonscriptions électorales se fait de telle manière que le chiffre de la population de chacune des circonscriptions corresponde dans la mesure du possible au quotient résultant de la division du chiffre de la population de la province que donne le recensement par le nombre de sièges de député à pourvoir pour cette dernière d'après le calcul visé au paragraphe 14(1); 

b) sont à prendre en considération les éléments suivants dans la détermination de limites satisfaisantes pour les circonscriptions électorales :

(i) la communauté d'intérêts ou la spécificité d'une circonscription électorale d'une province ou son évolution historique,

(ii) le souci de faire en sorte que la superficie des circonscriptions dans les régions peu peuplées, rurales ou septentrionales de la province ne soit pas trop vaste.

(2) Les commissions peuvent déroger au principe énoncé par l'alinéa (1)a) chaque fois que cela leur paraît souhaitable pour l'application des sous-alinéas (1)b)(i) et (ii). Le cas échéant, elles doivent toutefois veiller à ce que, sauf dans les circonstances qu'elles considèrent comme extraordinaires, l'écart entre la population de la circonscription électorale et le quotient mentionné à l'alinéa (1)a) n'excède pas vingt-cinq pour cent.

Dans l'arrêt Carter, la Cour suprême du Canada a affirmé que les écarts par rapport au quotient électoral (qui est, en l'occurrence, de 88 126) devaient être justifiés.

Le ministre Fraser, député de Nova-Centre

Le ministre Fraser s'oppose à ce que tout le comté d'Antigonish soit retiré de la circonscription proposée de Pictou—Eastern Shore (qui sera renommée Nova-Centre, comme demandé) et ajouté à Cape Breton—Canso—Antigonish. Son opposition concerne la façon dont la Commission a délimité les deux circonscriptions dans son rapport définitif.

La Commission a pris note des préoccupations soulevées dans le rapport du PROC et les documents qui l'accompagnent. Essentiellement, le ministre Fraser demande que les limites de Nova-Centre demeurent inchangées. Pour orienter l'analyse qui suit, la Commission tient à rappeler que la circonscription actuelle se trouve largement en deçà du quotient électoral, à -16,95 %.

Comme l'explique le rapport définitif, la Commission a envisagé d'établir les deux circonscriptions du Cap-Breton entièrement sur l'île pour éviter qu'elles ne débordent dans le comté d'Antigonish :

La Commission a examiné la possibilité de diviser l'île du Cap-Breton en deux circonscriptions sans devoir faire déborder l'une des circonscriptions sur la partie continentale. Là encore, nous avons effectué des calculs démographiques et constaté assez rapidement qu'il n'est pas possible de placer deux circonscriptions à l'intérieur de l'île, car les populations des deux entités se situeraient bien en deçà de l'écart permis de 25 %. Par conséquent, il faut rattacher une des circonscriptions de l'île à un secteur de la partie continentale (comme c'est le cas depuis le décret de représentation de 2003).

Au moment de déterminer jusqu'où aller sur la partie continentale, la Commission a tenu compte des commentaires du public selon lesquels le comté d'Antigonish ne devrait pas être divisé entre deux circonscriptions, comme c'est le cas actuellement. C'est ce qui a motivé la décision d'agrandir la circonscription proposée de Cape Breton—Canso—Antigonish pour qu'elle englobe tout le comté d'Antigonish. Même avec cet agrandissement, Cape Breton—Canso—Antigonish demeure la circonscription la moins peuplée de la province, à ‑14,73 % du quotient électoral (population de 75 141). La Commission a envisagé d'étendre davantage la circonscription dans la partie continentale afin de la rapprocher du quotient électoral, mais a décidé de ne pas le faire compte tenu de sa superficie déjà vaste.

M. Fraser a exprimé des inquiétudes à propos de la taille de la circonscription de Cape Breton—Canso—Antigonish, qu'il jugeait trop grande pour qu'un député puisse en assurer une représentation effective. Ayant tenu compte de ce facteur comme l'exigeait la LRLCE, la Commission a conclu que ni la taille ni la nature géographique de la circonscription ne compromettaient sa représentation effective. Ce point de vue semble rejoindre celui de Rodger Cuzner, qui a été le député de la région pendant de nombreuses années. Dans un article publié le 31 mai 2022, Emily Latimer de la CBC rapporte comme suit l'opinion de M. Cuzner à propos de l'ajout proposé du comté d'Antigonish à une circonscription du Cap-Breton :

[Traduction]

Rodger Cuzner, ancien député libéral de Cape Breton—Canso, affirme que les changements de limites sèment immanquablement la controverse. « C'est toujours un défi, cela ne fait aucun doute. »

« Lorsque j'ai été élu pour la première fois, la circonscription se nommait Bras d'Or—Cape Breton. Avant cela, elle s'appelait Cap-Breton—Richmond-Est », a déclaré M. Cuzner.

Selon lui, l'ajout du comté d'Antigonish à la circonscription n'est pas une mauvaise idée.

« Les résidents de ces secteurs ont beaucoup d'affinités : la pêche, l'agriculture, la famille et les violons, a-t-il déclaré. Nous ne sommes pas si différents. »

M. Cuzner estime toutefois que les futurs députés pourraient avoir de la difficulté à rencontrer les résidents de cette vaste circonscription. Mais il ajoute que ce n'est pas plus difficile que de rendre visite aux électeurs des zones urbaines densément peuplées.

« Certaines circonscriptions du centre-ville de Toronto ne couvrent que quelques quadrilatères, mais les résidents habitent dans des immeubles de 40, 50 ou 60 étages », a-t-il expliqué.

« Les députés d'ici passent beaucoup de temps dans leur voiture, alors que ceux des zones urbaines passent énormément de temps dans les ascenseurs. »

La Commission a également comparé la superficie de la circonscription à celle des autres circonscriptions. La nouvelle circonscription de Cape Breton—Canso—Antigonish a une superficie de 13 456 km2. Comparativement à d'autres circonscriptions non métropolitaines du Canada, elle n'est pas particulièrement grande, même si l'on fait abstraction des immenses circonscriptions très éloignées du Nord de l'Ontario, du Québec et de la Colombie‑Britannique. Parmi les circonscriptions fédérales actuelles du Canada atlantique (établies dans le Décret de représentation de 2013), il y a, entre autres, celle de Miramichi—Grand Lake qui fait plus de 17 000 km2 et celle de Long Range Mountains qui fait plus de 40 000 km2. Ailleurs au Canada, de nombreuses circonscriptions ont une superficie comparable ou supérieure. Par exemple, la circonscription de Nipissing—Timiskaming couvre plus de 15 000 km², alors que celle de Kamloops—Thompson—Cariboo couvre plus de 38 000 km², mais elles sont loin d'être les plus grandes de leur province respective.

Le ministre Fraser s'inquiète aussi du fait que la Commission n'a pas tenu compte de la communauté d'intérêts et des liens profonds qui unissent les comtés de Pictou et d'Antigonish. La Commission a reconnu dans son rapport définitif – et le reconnaît toujours – qu'il existe des liens entre ces régions. Nous n'avons pas négligé ce facteur. Toutefois, il est aussi évident qu'il existe de forts liens historiques et actuels entre le comté d'Antigonish et le Cap-Breton.

La Commission n'a rien inventé en unissant le comté d'Antigonish au Cap‑Breton. La circonscription de Cap-Breton Highlands—Canso a été créée en 1966 et a connu sa première élection générale en 1968. Constituée de parties de différentes circonscriptions de l'époque, soit Antigonish—Guysborough, Inverness—Richmond et Cap-Breton-Nord et Victoria, elle comprenait les comtés d'Antigonish et d'Inverness au complet, ainsi que des parties des comtés de Guysborough, de Victoria et de Richmond.

En 1987, la circonscription de Cap-Breton Highlands—Canso a été légèrement remaniée de manière à inclure l'ensemble du comté d'Antigonish et des parties des comtés d'Inverness, de Victoria, de Richmond et de Guysborough. Elle a conservé cette composition jusqu'en 1997; le comté d'Antigonish a donc été uni sur le plan politique à la région du détroit de Canso, de même qu'à des parties rurales du Cap-Breton, pendant 30 ans.

Pour ce qui est de la communauté d'intérêts, la Commission est d'accord avec l'opinion dissidente exprimée dans le rapport du PROC :

Il existe des liens actuels et historiques particulièrement forts entre Antigonish et les comtés du Cap-Breton, de Guysborough, d'Inverness et de Richmond, qu'on appelle ensemble la région du détroit. Les communautés de la région du détroit partagent :

Une chambre de commerce commune, la Strait Area Chamber of Commerce.

Des services de santé, dont un hôpital régional à Antigonish et, jusqu'à récemment, une structure commune de prestation de soins de santé sous l'égide de la Guysborough Antigonish Strait Health Authority.

Un district scolaire commun, le Strait Regional School Board.

Une communauté de foi, le diocèse catholique romain d'Antigonish.

Un lien étroit avec l'Université St Francis Xavier.

La station de radio XFM/CJFX était la station originale desservant les auditeurs d'Antigonish, des comtés de Guysborough, d'Inverness et de Richmond.

La Commission estime que la circonscription de Cape Breton—Canso—Antigonish bénéficiera d'une représentation effective au Parlement fédéral. Le comté d'Antigonish et les régions rurales du Cap-Breton ont des intérêts similaires en ce qui concerne notamment les soins de santé, le développement économique régional, certains services publics fédéraux (assurance-emploi, Régime de pensions du Canada, Sécurité de la vieillesse) ainsi que les politiques et programmes fédéraux (pêches, foresterie, agriculture, tourisme, rôle de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique, promotion de l'immigration).

L'éditorial du Port Hawkesbury Reporter publié le 2 décembre 2022 mentionne bon nombre des considérations qui ont motivé la décision de la Commission concernant la circonscription de Cape Breton—Canso—Antigonish. Malgré sa longueur, nous l'avons reproduit ci-dessous, car il démontre que nous avons tenu compte de facteurs qui sont également importants aux yeux d'un observateur non partisan qui connaît la région :

[Traduction]

La nouvelle carte électorale fédérale tente de réparer des erreurs du passé

La Commission de délimitation des circonscriptions électorales fédérales pour la Nouvelle-Écosse propose de former une nouvelle circonscription nommée Cape Breton—Canso—Antigonish.

Selon le rapport présenté par la Commission il y a deux semaines, la nouvelle circonscription fédérale réunirait la ville et le comté d'Antigonish, la municipalité du district de Guysborough ainsi que les comtés d'Inverness, de Richmond et de Victoria.

Elle comprendrait également des parties rurales de la municipalité régionale du Cap-Breton, ce qui en porterait la population à 75 141.

Dans un communiqué de presse publié le 17 novembre, la Commission a indiqué que son objectif était d'« équilibrer la population » de la plupart des 11 circonscriptions de la Nouvelle-Écosse, ce qui a donné lieu à un « vaste remaniement des limites actuelles ».

Cindy A. Bourgeois, présidente de la commission de trois membres, a déclaré que celle-ci avait reçu les commentaires de nombreux citoyens et organismes de toute la province et estimait avoir réussi à concilier ses obligations légales avec les opinions de la population de la Nouvelle-Écosse, dans sa démarche visant à assurer une représentation effective.

La Commission a indiqué que son rapport avait été déposé à la Chambre des communes le 17 novembre, après avoir été transmis au président de la Chambre des communes par l'intermédiaire du directeur général des élections du Canada. Le rapport sera examiné par le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre.

Un redécoupage des circonscriptions fédérales devant avoir lieu tous les 10 ans, la Commission a commencé ses travaux en février, en utilisant les chiffres de population issus du recensement de 2021.

Mme Bourgeois a expliqué que la Commission devait répartir 969 383 personnes entre les 11 circonscriptions de la Nouvelle-Écosse, ce qui fait en moyenne 88 126 personnes par circonscription.

Elle a indiqué que la Commission avait tenu compte, entre autres, de la parité électorale, de l'évolution historique des circonscriptions et des limites existantes, et qu'elle avait examiné la circonscription actuelle de Cape Breton—Canso, qui compte environ 71 000 habitants, alors que celle de Sydney—Victoria en compte 72 000.

Malgré la croissance démographique de certaines parties de la région du détroit, comme la ville et le comté d'Antigonish, et le ralentissement de l'émigration dans d'autres parties de la région, Mme Bourgeois a expliqué que ces tendances devaient être analysées en regard de la croissance démographique enregistrée dans d'autres régions de la Nouvelle-Écosse.

Mme Bourgeois a indiqué qu'il fallait également tenir compte des communautés des Premières Nations dans les deux circonscriptions du Cap-Breton.

La Commission a annoncé en avril qu'elle entamait la phase de consultation publique.

Le 31 mai, l'hôtel de ville d'Antigonish a accueilli l'une des neuf audiences en personne organisées par la commission aux quatre coins de la province.

À ce moment-là, la Commission proposait de former une nouvelle circonscription appelée Cape Breton—Antigonish, qui aurait compté 84 999 personnes et aurait compris les comtés d'Antigonish et de Richmond, la municipalité du district de Guysborough, la partie du comté d'Inverness située au sud du parc national des Hautes-Terres-du-Cap-Breton, ainsi que les parties de la municipalité régionale du Cap-Breton situées dans la circonscription de Cape Breton—Canso.

Bien que la Commission ait apporté des changements à sa proposition initiale, il est clair qu'elle a voulu réunifier les centres urbains de la municipalité régionale du Cap-Breton, les comtés ruraux du Cap-Breton et la partie continentale est de la Nouvelle-Écosse.

Malgré sa grande superficie, la circonscription proposée de Cape Breton—Canso—Antigonish est formée de collectivités rurales ayant des activités économiques similaires (pêche, foresterie et agriculture) et des liens historiques (elles faisaient partie de l'ancienne circonscription fédérale de Cap-Breton Highlands—Canso). Elle compterait plus de 75 000 habitants, ce qui est raisonnable. Bien que sa population soit inférieure à celles d'autres circonscriptions de la Nouvelle-Écosse, la circonscription proposée est légitime.

Dans cette nouvelle circonscription, les Premières Nations de We'koqma'q, de Potlotek et de Paqntkek [sic] formeraient avec celles d'Eskasoni et de Wagmatcook une formidable coalition aux perspectives et aux objectifs communs, capable de défendre efficacement les priorités d'Unama'ki.

Cette circonscription sera formée de municipalités et de circonscriptions provinciales qui, en raison de leur similitude, travaillent et militent ensemble depuis des décennies pour atteindre des objectifs communs.

De plus, les parties urbaines de la municipalité régionale du Cap-Breton seraient retranchées de la circonscription actuelle de Cape Breton—Canso. La réunification de la région de Glace Bay avec Sydney et New Waterford est justifiée, même si la nouvelle circonscription de Sydney—Glace Bay est beaucoup plus petite.

Qu'elle l'ait fait intentionnellement ou non, la Commission corrige ainsi des erreurs commises il y a plusieurs décennies, lorsque les comtés d'Inverness, de Richmond, de Guysborough et d'Antigonish ont été cavalièrement arrachés à la circonscription fédérale qu'ils partageaient et séparés entre deux circonscriptions, l'une comprenant le comté de Pictou sur la partie continentale, et l'autre comprenant la région de Glace Bay sur l'île du Cap‑Breton.

Bien que les représentants de la ville et du comté d'Antigonish aient exprimé le souhait de rester avec le comté de Pictou dans la circonscription de Nova-Centre, il est possible que leur réunion avec des collectivités aussi similaires apaise leurs appréhensions.

Au Cap-Breton, personne n'était satisfait de la circonscription de Cape Breton—Canso, dans laquelle la municipalité régionale du Cap-Breton avait un poids électoral disproportionné et à laquelle les collectivités d'Inverness et de Richmond avaient été maladroitement rattachées pour faire augmenter le chiffre de population. La circonscription actuelle dilue le poids démocratique des régions rurales.

Le nouveau découpage proposé a redonné du pouvoir aux électeurs de la région du détroit, de sorte que les choix de l'électorat refléteront mieux les besoins des collectivités qui en font partie.

La dernière préoccupation du ministre Fraser concerne l'extension de la circonscription proposée de Pictou—Eastern Shore dans la banlieue de Halifax. La Commission fait remarquer que la circonscription actuelle de Nova‑Centre comprend déjà les collectivités de Petpeswick, de Musquodoboit Harbour et de Jeddore au sein de la municipalité régionale de Halifax. Rien n'indique que le ministre Fraser a eu de la difficulté à assurer une représentation effective de ces électeurs de la municipalité régionale de Halifax.

Dans son rapport définitif, la Commission a repoussé la limite de la circonscription vers la partie urbaine de la municipalité régionale de Halifax. Vu les tendances démographiques révélées par le recensement décennal de 2021, c'est ce qui attend de plus en plus de circonscriptions rurales. Même avec les ajouts proposés, la circonscription de Pictou—Eastern Shore se situe à -13,52 % du quotient électoral (population de 76 210) et figure au deuxième rang des circonscriptions les moins peuplées de la province. Le maintien de la limite actuelle de Nova-Centre aurait pour effet de creuser l'écart par rapport au quotient électoral, ce que la Commission refuse de faire.

En résumé, au moment de délimiter les circonscriptions proposées de Cape Breton—Canso—Antigonish et de Pictou—Eastern Shore, la Commission a tenu compte du quotient électoral et des écarts par rapport à celui-ci, en plus des autres facteurs énoncés à l'article 15 de la LRLCE. Même si le ministre Fraser et d'autres personnes avaient pondéré ces facteurs différemment, la Commission demeure d'avis que ses décisions sont justifiées et ne nuisent pas à la représentation effective de ces circonscriptions.

M. Battiste, député de Sydney—Victoria

L'opposition de M. Battiste concerne les circonscriptions proposées de Sydney—Glace Bay et de Cape Breton—Canso—Antigonish. Sa position est exposée comme suit dans le rapport du PROC :

M. Battiste a recommandé que l'on conserve les limites actuelles des circonscriptions de Sydney—Victoria et de Cape Breton—Canso afin d'assurer une représentation efficace […]

Les préoccupations de M. Battiste concernent essentiellement le fait que la Commission n'a pas placé les communautés des Premières Nations d'Eskasoni et de Wagmatcook dans la même circonscription que Membertou. Il affirme que cette décision nuira aux deux communautés, qui ont des liens importants avec Membertou et Sydney. M. Battiste craint également que les nouvelles limites réduisent le poids de la langue micmaque. Dans les documents présentés à l'appui de son opposition, il dit également craindre que les changements proposés rendent peu probable l'élection d'une personne micmaque au Parlement.

La Commission reconnaît qu'elle n'a pas indiqué, dans son rapport définitif, qu'elle avait pris en considération les enjeux propres aux communautés micmaques. Elle aurait dû le faire, ces enjeux ayant fait partie de ses points de discussion et de ses considérations, comme le laisse entendre le rapport définitif. Le tracé de la limite entre Sydney—Glace Bay et Cape Breton—Canso—Antigonish, et plus particulièrement le placement d'Eskasoni, a fait l'objet de longues discussions entre les commissionnaires. Comme nous l'avons indiqué précédemment, la présidente de la Commission a indiqué, dans une entrevue accordée au Port Hawkesbury Reporter, que les préoccupations relatives aux communautés des Premières Nations avaient été prises en compte au moment de fixer les limites des deux circonscriptions du Cap-Breton. La Commission aurait dû mieux expliquer son analyse dans son rapport définitif.

Tout d'abord, pour répondre à l'opposition de M. Battiste, il convient d'examiner la situation actuelle des circonscriptions dont il demande le maintien des limites, à la lumière des données du recensement décennal de 2021. Sydney—Victoria présente un écart de -17,89 % par rapport au quotient électoral, et Cape Breton—Canso, un écart de -19,0 %. Dans les deux cas, il s'agit d'un écart important qui ne fera que s'accentuer au cours de la prochaine décennie, la croissance démographique de la municipalité régionale de Halifax étant largement supérieure à celle du Cap‑Breton. Même si les limites décrites dans le rapport définitif permettront de réduire ces écarts, les circonscriptions proposées de Sydney—Glace Bay et de Cape Breton—Canso—Antigonish demeureront nettement en deçà du quotient électoral, à -6,7 % et -14,73 % respectivement. La Commission estime toutefois que ces écarts par rapport au quotient électoral sont justifiés.

La Nouvelle-Écosse compte 13 communautés des Premières Nations, dont cinq sont situées au Cap-Breton (Unama'ki). Selon le recensement décennal de 2021, les Autochtones représentent 5,4 % de la population de la province.

Comme nous l'avons déjà expliqué, il est impossible de placer l'intégralité du Cap-Breton dans une seule circonscription, de manière à ce que les cinq communautés d'Unama'ki soient représentées par le même député. Le Cap‑Breton doit être divisé en deux circonscriptions fédérales, chacune contenant au moins une communauté autochtone. À l'heure actuelle, les communautés de Membertou, d'Eskasoni et de Wagmatcook font partie de la circonscription de Sydney—Victoria, tandis que celles de We'koqma'q (Waycobah) et de Potlotek font partie de la circonscription de Cape Breton—Canso, qui comprend également la communauté des Premières Nations de Paqtnkek, située dans le comté d'Antigonish. Actuellement, la circonscription de Sydney—Victoria compte 10 % d'Autochtones, ce qui est bien plus que le pourcentage provincial, et est représentée par le tout premier député micmac.

M. Battiste affirme que les changements contenus dans le rapport définitif affaibliront la voix des Micmacs. Il critique comme suit la décision de la Commission de retirer les communautés d'Eskasoni et de Wagmatcook de la circonscription de Sydney—Victoria :

[Traduction]

Aucune attention n'a été accordée à la représentation effective des communautés micmaques, une importante minorité dont le pouvoir électoral sera grandement réduit par la nouvelle carte électorale, au sein de la vaste circonscription proposée de Cape Breton—Canso—Antigonish, où l'on parlerait presque uniquement l'anglais.

La Commission a déjà réglé la question de la superficie de la circonscription de Cape Breton—Canso—Antigonish dans la décision qu'elle a prise à l'égard de l'opposition du ministre Fraser. Ici, elle répondra plutôt à l'affirmation de M. Battiste selon laquelle les changements réduiront grandement le pouvoir électoral des communautés micmaques au sein de la circonscription de Cape Breton—Canso—Antigonish. Une première observation s'impose. La population micmaque du Cap-Breton étant divisée entre deux circonscriptions fédérales, il va sans dire que son poids électoral sera également divisé. Il y aura des électeurs autochtones dans les deux circonscriptions, et ils constitueront un groupe minoritaire dans les deux cas.

Avec tout le respect dû à M. Battiste, il est tout simplement faux d'affirmer que les Micmacs auront un « pouvoir électoral réduit » dans la circonscription de Cape Breton—Canso—Antigonish. D'après les données du recensement décennal de 2021 (sur lesquelles s'appuient les travaux de la Commission), les Autochtones représentent 12,4 % de la population de cette circonscription, soit plus du double du pourcentage provincial. C'est la circonscription fédérale qui compte le pourcentage le plus élevé d'Autochtones dans la province, bien qu'elle ait la plus petite population. La Commission a accru, et non réduit, le pouvoir électoral des cinq communautés micmaques de cette circonscription. De ce fait, elle a accru, et non réduit, la possibilité qu'une personne micmaque soit élue au Parlement. L'inquiétude de M. Battiste à cet égard est sans fondement.

Penchons-nous maintenant sur la raison pour laquelle Membertou a été séparée d'Eskasoni et de Wagmatcook. Lorsqu'elle a envisagé de créer une circonscription urbaine et une circonscription rurale sur l'île du Cap-Breton, la Commission estimait que Membertou, contrairement aux quatre autres communautés d'Unama'ki, appartenait à une circonscription plus urbaine. Même si les communautés des Premières Nations auront toujours des points fondamentaux en commun, les intérêts de Membertou semblaient plus compatibles avec ceux de Sydney et des environs qu'avec ceux des autres communautés autochtones.

Membertou a bâti une économie distincte et remarquablement prospère. Sur son site Web, on indique fièrement qu'il s'agit d'une communauté micmaque urbaine et progressiste située à seulement 3 km du centre-ville et du centre des affaires de Sydney. Elle dispose d'un budget annuel de plus de 112 millions de dollars et emploie 600 personnes. Son site Web décrit comme suit le plan qui a permis de redresser l'économie de Membertou :

[Traduction]

Les principes ont été établis avec succès, et Membertou s'est stratégiquement fait connaître des grandes entreprises du secteur privé en ouvrant un bureau commercial au centre-ville de Halifax. Membertou est également la première organisation autochtone au monde à avoir obtenu la certification ISO 9001, ce qui a contribué à l'établissement d'un certain nombre de partenariats avec le secteur privé dans les domaines de l'ingénierie, de l'exploitation minière, de l'énergie, de la construction, des SIG, des TI, de la gestion d'entreprise, des services-conseils, de l'assurance, de la pêche commerciale et de l'immobilier.

Le caractère économique distinct de Membertou et sa proximité avec la zone urbaine de Sydney ont amené la Commission à l'inclure dans la nouvelle circonscription de Sydney—Glace Bay. Bien que cette circonscription ait un moindre pourcentage d'électeurs autochtones, la Commission estime que Membertou possède l'influence économique et politique nécessaire pour se faire entendre. Elle est convaincue que cette communauté urbaine progressiste d'une grande vitalité économique ne pâtira pas du fait d'être la seule communauté autochtone dans Sydney—Glace Bay. Les cinq communautés autochtones de Cape Breton—Canso—Antigonish sont, quant à elles, toutes de nature plus rurale, et forment ensemble un groupe important apte à se faire entendre et dont la représentation effective peut être assurée par un même député.

La Commission a étudié la crainte, exprimée par M. Battiste, que « le poids linguistique du micmac soit dilué au sein de la circonscription proposée de Cape Breton—Canso—Antigonish ». Nous reconnaissons que la protection des langues autochtones est un facteur important. Toutefois, nous ne sommes pas d'accord avec M. Battiste lorsqu'il qualifie la circonscription de Cape Breton—Canso—Antigonish de « presque unilingue anglophone ». Au contraire, la circonscription proposée forme une riche mosaïque linguistique, où l'on parle le français, le gaélique et le micmac en plus de l'anglais. Cette diversité linguistique est mentionnée sur le site Web d'Eskasoni, tout comme la proximité de la communauté avec les traditions gaéliques et françaises du Cap-Breton.

Eskasoni, la plus grande communauté autochtone de la province, est également celle qui compte le plus grand nombre de locuteurs du micmac. Cependant, elle n'est pas la seule à utiliser cette langue ancestrale. L'usage et la protection du micmac sont également une priorité pour la communauté de Wagmatcook, qui se décrit sur son site Web comme étant [traduction] « une communauté bilingue dont le chef et le conseil – de même que la plupart des institutions publiques – utilisent indistinctement le micmac et l'anglais ». Les enfants de cette communauté ont la chance de recevoir leur éducation primaire et secondaire dans les deux langues. Il était important pour la Commission de ne pas diviser ces deux communautés multilingues.

L'affirmation de M. Battiste selon laquelle les pourcentages de locuteurs du micmac sont dilués par les limites fixées dans le rapport définitif de la Commission n'est pas corroborée par les données du recensement. Selon les résultats du recensement décennal de 2021, le nombre et la proportion de locuteurs dans la circonscription de Cape Breton—Canso—Antigonish sont, en chiffres absolus, plus élevés que dans les deux circonscriptions suggérées dans la proposition initiale et les deux circonscriptions actuelles (établies selon le Décret de représentation de 2013). Ce constat d'amélioration de la représentation électorale demeure vrai quel que soit le critère de mesure utilisé (la langue parlée à la maison, la connaissance de la langue ou la langue maternelle).

Enfin, la Commission souhaite répondre aux commentaires éloquents de M. Battiste concernant le lien entre Eskasoni et Sydney :

[Traduction]

C'est à Sydney que les membres de la communauté d'Eskasoni font leurs courses et où bon nombre d'entre eux gagnent leur vie. C'est là que sont offerts les activités sportives et sociales de leurs enfants de même que les services gouvernementaux et non gouvernementaux essentiels à la vie courante. C'est là que se trouve l'hôpital où ils mettent au monde leurs enfants, reçoivent des soins et accompagnent leurs proches en fin de vie.

Il est important de comprendre que les changements apportés aux limites des circonscriptions fédérales ne changeront rien à tout cela. Les résidents d'Eskasoni pourront continuer de faire leurs courses, de travailler, de se divertir et d'obtenir des services gouvernementaux et des soins de santé à Sydney. Rien ne changera sur ce plan. La seule différence, c'est que les résidents d'Eskasoni seront représentés par un autre député que les résidents de Sydney.

Malgré les raisons qui viennent d'être invoquées à l'appui de l'inclusion d'Eskasoni et de Wagmatcook dans Cape Breton—Canso—Antigonish, la Commission a, au vu de l'opposition de M. Battiste, reconsidéré la possibilité de ramener l'une ou l'autre des communautés dans la circonscription proposée de Sydney—Glace Bay. Nous avons réexaminé les cartes et les données du recensement pour mesurer l'incidence de tels changements sur l'écart par rapport au quotient électoral. Le retrait des communautés d'Eskasoni et de Wagmatcook de Cape Breton—Canso—Antigonish ferait passer l'écart de cette circonscription à ‑24,59 %, juste en deçà de la limite permise. Le maintien de Wagmatcook dans Cape Breton—Canso—Antigonish et le transfert d'Eskasoni à Sydney—Glace Bay ne feraient que légèrement diminuer l'écart, qui passerait à ‑23,22 %.

De l'avis de la Commission, les circonstances actuelles ne justifient pas la création d'une circonscription dont la population s'écarte autant du quotient provincial, d'autant plus que cela nuirait à la représentation effective des Autochtones dans les circonscriptions du Cap-Breton. Par conséquent, la Commission refuse de procéder au changement demandé par M. Battiste.

Mme Metlege Diab, députée de Halifax-Ouest

Comme l'indique le rapport du PROC, Mme Diab s'oppose aux limites de Halifax-Ouest décrites dans le rapport définitif de la Commission et demande que les limites présentées dans la proposition soient rétablies. Elle est préoccupée par la division de la collectivité de la baie de St. Margarets et par la représentation effective des nouveaux Canadiens.

Comme l'indique le rapport définitif, la partie urbaine de la municipalité régionale de Halifax a connu et connaît encore une importante croissance démographique. Il est donc difficile de respecter le quotient électoral dans les quatre circonscriptions urbaines, mais aussi dans les sept autres circonscriptions, qui sont de nature plus rurale. Après réflexion, la Commission a finalement décidé de ne pas créer une cinquième circonscription urbaine. Il ne lui a donc pas été facile de répartir la population urbaine entre les circonscriptions, tout en respectant, dans la mesure du possible, les communautés d'intérêts et d'autres facteurs. Bien qu'aucune des circonscriptions urbaines ne soit vraiment parfaite, la Commission est d'avis que les citoyens de chacune d'elles jouiront d'une représentation effective.

Comme cela a déjà été mentionné, l'opposition de Mme Diab aux limites est de deux ordres. Premièrement, elle a exprimé des doutes quant à l'emplacement de la limite entre Halifax-Ouest et South Shore–St.Margarets. Extrait du rapport du PROC :

Ensuite, Mme Diab a soutenu que les circonscriptions proposées d'Halifax-Ouest et de South Shore—St. Margarets ne respectent pas la communauté d'intérêts et la spécificité de la baie St. Margarets, ni l'évolution historique de la circonscription. En ce qui concerne cette dernière, Mme Diab a soutenu que la communauté de la baie St. Margarets a été fondée en 1780 et que, de Hubbards à Peggy's Cove, elle forme une seule et même circonscription fédérale depuis 1867.

Dans le découpage actuel, des parties importantes de la municipalité régionale de Halifax font partie de la circonscription de South Shore—St. Margarets. Par exemple, Allen Heights, Tantallon, Peggys Cove, Bayside et Lower Prospect. La Commission a reçu un certain nombre d'observations soulignant le changement de nature de cette région. La réponse du rapport minoritaire du PROC à l'objection de Mme Diab va dans le sens de notre raisonnement :

L'affirmation de la députée Diab selon laquelle les communautés de St. Margaret's Bay ont toujours fait partie de la même circonscription fédérale est incorrecte sur le plan des faits. À l'exception d'une décennie entre la Confédération et 2004, les communautés de St. Margaret's Bay ont été divisées au niveau fédéral, la frontière séparant les communautés étant la ligne du comté de Lunenburg, qui divise les rives est et ouest de St. Margaret's Bay. Par conséquent, la nouvelle frontière est plus proche de la configuration historique de la circonscription de South Shore-St. Margaret's que la frontière actuelle ou celle proposée par la députée Diab.

De plus, les nouvelles limites reflètent mieux les communautés d'intérêts que l'on retrouve dans les régions de Halifax-Ouest et de South Shore-St. Margaret's. Les communautés de St. Margaret's Bay se rapprochent maintenant davantage des villes-dortoirs de Halifax que des comtés ruraux de pêche et de foresterie de Queen's, Shelburne et Lunenburg.

Au cours de l'audience publique à Bridgewater, plusieurs intervenants ont exprimé ce point de vue, y compris l'ancien député Gerald Keddy, qui a fait remarquer comment « une grande partie du comté de Halifax est devenue une communauté-dortoir pour Halifax » et que les résidents de St. Margaret's Bay sont devenus des « citadins » se prêtant maintenant à un lien étroit avec Halifax. De plus, comme l'a souligné le présentateur George Ernst, les résidents de la MRH « ne dépendent pas des industries primaires [comme les communautés de la rive sud], mais gagnent souvent leur vie en travaillant dans les services, le gouvernement et d'autres industries dispersées dans Halifax et les parcs industriels environnants ».

La deuxième objection de Mme Diab a trait à la diversité de l'actuelle circonscription de Halifax-Ouest. Elle est décrite en ces termes dans le rapport du PROC :

Tout d'abord, elle a affirmé qu'une communauté d'intérêts composée de divers Canadiens est bien établie dans Halifax-Ouest et que la Commission n'en a pas tenu compte dans son rapport. Depuis des décennies, Halifax-Ouest compte une communauté de nouveaux immigrants et de groupes raciaux, culturels, ethniques, religieux et linguistiques minoritaires. Selon Mme Diab, les limites actuelles de la circonscription assurent une représentation efficace de ces divers groupes, efficacité qui serait amoindrie si certaines communautés se trouvaient divisées entre plusieurs circonscriptions. En effet, Mme Diab a soutenu qu'à son avis, la proposition présentée par la Commission dans son rapport pour Halifax-Ouest signe la disparition de ce carrefour communautaire pour les nouveaux Canadiens.

La Commission ne nie pas que Halifax-Ouest compte depuis longtemps une concentration de nouveaux immigrants et une population diversifiée. D'ailleurs, l'arrivée de nouveaux Canadiens dans l'actuelle circonscription de Halifax-Ouest a contribué à ce que sa population dépasse la limite permise de 25 % au-dessus du quotient électoral. Compte tenu de cette croissance, il n'est pas possible de maintenir dans cette circonscription toute l'augmentation de la population attribuable à l'immigration. Ces dernières années, une croissance et une diversification ont été observées dans toutes les circonscriptions de Halifax. Ce sont les résidents de toutes les circonscriptions qui bénéficieraient d'un député au fait des questions qui concernent les groupes raciaux, culturels, ethniques, religieux et linguistiques minoritaires, pas uniquement ceux de Halifax-Ouest. En effet, tous les citoyens de la province, peu importe la circonscription, devraient avoir un député sensible à la diversité croissante de nos communautés et capable de régler les enjeux qui accompagnent ce phénomène.

Mme Diab demande que les limites de Halifax-Ouest soient ramenées à ce qu'elles étaient dans la proposition initiale. Selon elle, si cela n'est pas fait, le « carrefour communautaire pour les nouveaux Canadiens » qu'est la circonscription disparaîtra. En tout respect, la Commission n'est pas de cet avis.

Des estimations fondées sur le recensement décennal de 2021 montrent que Halifax-Ouest telle que décrite dans le rapport définitif demeure la circonscription la plus diversifiée de la province selon les champs de données de Statistique Canada qui portent sur l'immigration, l'immigration de moins de cinq ans, les non-chrétiens et les groupes de minorités visibles; elle est aussi la deuxième circonscription la plus diversifiée après Halifax en ce qui concerne les citoyens non-canadiens. En somme, la diversité de Halifax-Ouest ne disparaît pas, elle est maintenue.

La Commission admet que les pourcentages de population pour les champs susmentionnés sont moins élevés dans le rapport définitif que dans la circonscription actuelle de Halifax-Ouest (décret de représentation de 2013). Cependant, les différences sont marginales :

Immigrants – rapport définitif : 17,33 %; actuel : 19,01 %

Immigrants (< 5 ans) – rapport définitif :1,80 %; actuel : 2,02 %

Citoyens non-canadiens – rapport définitif :13,16 %; actuel : 13,94 %

Non-chrétiens – rapport définitif : 9,34 %; actuel : 9,26 %

Minorités visibles – rapport définitif : 23,15 %; actuel : 24,83 %

L'organisme Immigrant Services Association of Nova Scotia compte trois bureaux à Halifax. Si la Commission donnait suite à la demande de Mme Diab de laisser les limites telles qu'elles étaient décrites dans la proposition, un seul de ces bureaux ferait partie de Halifax-Ouest. Or, selon les limites décrites dans le rapport définitif, les trois bureaux de l'organisme font partie de Halifax-Ouest, une situation qui facilite l'obtention rapide des services par les résidents.

La Commission estime que les limites de Halifax-Ouest décrites dans le rapport final respectent le quotient électoral et concilient les autres facteurs énoncés dans l'article 15 de la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales. Elle est persuadée que sa nouvelle version de Halifax-Ouest demeurera une circonscription fédérale comptant une diversité bien établie de Canadiens partageant une communauté d'intérêts. Elle l'est tout autant que les résidents de cette circonscription seront représentés efficacement par leurs futurs députés. Par conséquent, elle n'apportera pas les modifications demandées par Mme Diab.

Conclusion

La Commission a accepté l'une des quatre oppositions soumises par le Comité permanent et modifié son rapport en conséquence. Les cartes et la description révisées des circonscriptions se trouvent aux pages suivantes.

Fait à Halifax, Nouvelle-Écosse, ce 21e jour d'avril 2023.

L'honorable juge Cindy A. Bourgeois

Président de la Commission de délimitation des circonscriptions électorales fédérales pour la province de la Nouvelle-Écosse

Louise Carbert

Membre de la Commission de délimitation des circonscriptions électorales fédérales pour la province de la Nouvelle-Écosse

David Johnson

Membre de la Commission de délimitation des circonscriptions électorales fédérales pour la province de la Nouvelle-Écosse