Redécoupage des circonscriptions fédérales de 2022

Commentaire 16 (3 septembre 2022) commentaires et rétroaction

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La Société d'histoire et de généalogie de la Côte-du-Sud

Opposition au redécoupage de la carte électorale

C'est en toute humilité mais déterminé à faire entendre notre voix que nous nous présentons devant vous aujourd'hui.

Permettez-nous d'abord de nous présenter. Aujourd'hui, nous prenons la parole au nom de tous les membres de la Société d'histoire et de généalogie de la Côte-du-Sud. L'organisme que nous représentons compte près de 300 membres dont une très grande partie réside sur le territoire de cette si belle circonscription électorale dont on veut encore une fois modifier les limites au point que nous ne nous y reconnaîtrons plus. Fondée en 1948, il y a donc près de 75 ans, notre société a d'abord été connue sous le nom de Société historique de KAMOURASKA avant d'étendre sa zone d'intervention à l'ensemble de la Côte-du-Sud en 1954. Cette région historique, désignée ainsi par Samuel de Champlain dès les débuts du Canada, s'étend de Beaumont, en Bellechasse, aux limites occidentales de Rivière-du-Loup.

Notre intervention d'aujourd'hui touchera deux aspects qui nous tiennent à cœur. Nous nous préoccuperons d'abord de la représentation de la population de notre région et de la diminution de son poids sur l'échiquier politique fédéral.

La proposition qui est devant nous aujourd'hui, si elle est mise en application, aurait pour importante conséquence d'éliminer une circonscription de l'Est du Québec, donc de priver une grande partie de l'électorat de cette région d'une représentation adéquate. Et par adéquate, nous sous-entendons que les citoyens et citoyennes peuvent avoir un accès rapide à celui ou celle qu'ils ont choisi pour les représenter auprès du gouvernement fédéral. Dans le cas de l'actuelle circonscription de Montmagny-L'Islet-Kamouraska-Rivière-du-Loup, nous estimons que notre député remplit très bien son rôle même si nous croyons que le territoire qu'il a à couvrir est déjà suffisamment vaste.

Si nous étions un électeur ou une électrice d'une circonscription montréalaise ou torontoise, nous n'aurions qu'à traverser quelques rues et nous serions déjà rendu au bureau de notre député et nous pourrions dès lors lui exposer la nature du problème qui nous affecte ou discuter du projet que nous aimerions mettre en branle. Déjà que pour nous, il faut généralement nous déplacer sur une assez grande distance pour nous présenter à l'un ou l'autre bureau de circonscription que doit maintenir le député et, bien sûr, attendre le moment où celui-ci est disponible pour nous recevoir. Nous reconnaissons cependant que notre actuel député ne ménage pas ses efforts pour venir nous rencontrer dans notre milieu mais pour lui aussi les distances à parcourir et le temps qu'il doit consacrer à ces déplacements sont particulièrement exigeants.

Avec votre proposition de redécoupage, vous voulez ajouter à la tâche du député l'obligation de se préoccuper d'une vingtaine de localités supplémentaires ce qui représente quelque 30 000 personnes de plus. La population à desservir s'établirait dorénavant à plus de 116 000 personnes réparties sur les territoires de cinq MRC. Est-ce logique de penser que ces personnes ont le même accès à leur représentant que l'électeur de Mount Royal ou d'Hochelaga ou encore de Toronto-Danforth? Un simple petit coup d'œil à la carte électorale actuelle nous indique bien que « non ».

Par ailleurs, la proposition de redécoupage que vous venez de soumettre ne se base que sur l'aspect démographique avec une compilation de chiffres qui nous apparaissent particulièrement désincarnés. On le voit bien à la lueur des arguments développés ci-haut. Vous aurez beau prétendre que le nombre de citoyens représentés par les élus à la Chambre des Communes sera sensiblement le même d'une circonscription à l'autre, la réalité pour les gens de nos milieux ruraux est bien différente de celle des électeurs des milieux urbains de haute densité. Dans une grande ville, très souvent les gens qui habitent un bout de rue ne connaissent pas leur voisin alors qu'ici, on peut facilement constater que les électeurs de deux ou trois localités voisines se connaissent très bien et sont souvent rattachés l'un à l'autre par de forts liens d'amitié. De sorte qu'ici, les gens font souvent preuve d'une grande solidarité pendant que les gens des grandes villes vivent dans l'indifférente la plus complète. Or, cette solidarité, notre population a aussi tendance à l'exprimer à leur élu.

Il nous semble qu'en n'utilisant que les données démographiques pour établir votre proposition on fait fausse route, du moins si l'on veut rapprocher l'élu des électeurs. Pourquoi ne pas baser vos propositions de découpage sur la densité du territoire? Dans les milieux urbains, deux circonscriptions voisines de forte densité pourraient facilement être regroupées sans que les électeurs ne soient lésés; d'autant plus que généralement ces électeurs ne connaissent même pas la personne choisie pour les représenter. Dans les milieux ruraux de plus faible densité, la personne élue prend toute son importance puisque la population se sent proche de ce ou cette député(e). Une circonscription dont la densité serait inférieure à 100 000 personne aurait droit à son député alors que les circonscriptions de plus ou moins 200 000 personnes auraient droit aussi à un député sans que ces personnes n'aient à se plaindre des distances pour avoir accès à leur élu(e).

Venons-en maintenant au choix du nom que vous voulez associer à notre circonscription. Déjà qu'en 2003 on nous a imposé un nom qui nécessite deux lignes sur une enveloppe adressée à notre député, voilà qu'on veut encore le modifier et cette fois, en lui ajoutant un nom autochtone qui n'a aucune résonnance pour notre population. Nous avons plutôt l'impression qu'en adjoignant le nom Kataskomiq à celui de deux MRC qui n'ont aucun point commun, on veut souscrire à une mode qui cherche à faire oublier le manque de délicatesse d'un vieux gouvernement fédéral qui a voulu faire complètement disparaître les nations autochtones du pays. Maintenant que cette manœuvre a lamentablement échoué, on essaie de se racheter en mêlant des noms autochtones à toutes les sauces. Chez nous, cette façon de nous identifier n'est vraiment pas appréciée.

Votre proposition laisse aussi entendre que le nom autochtone que vous proposez fait référence aux Malécites de l'ancienne réserve de Withworth. Or, je vous rappelle que ce territoire était déjà inclus dans notre circonscription sans qu'on ait le moindrement songé à l'identifier dans le nom de la circonscription. C'était d'autant plus normal puisque ce territoire ne compte aucun habitant comme en fait foi l'encyclopédie virtuelle Wikipédia consultée ces jours derniers.

Votre Commission propose d'éliminer les dénominations Kamouraska et Témiscouata, deux noms autochtones très connus, utilisés depuis des siècles et représentatifs du territoire autant que de notre population. Vous proposez de les remplacer par une appellation qui risque de devenir la cible de mauvais jeux de mots – c'est la cata(strophe) comique – et de soulever auprès des populations locales des réactions négatives plutôt qu'une fantaisiste idée de réconciliation avec un groupe d'autochtones qui n'habite pas la région et qui ne l'a d'ailleurs jamais vraiment occupée. Une catastrophe, en effet.

Comme nous le disions précédemment, déjà en 2003 on nous a imposé un nom qui n'avait aucun sens, destiné simplement à calmer un regrettable esprit de clocher. D'un point de vue strictement historique, nous nous permettons de rappeler que le nom de L'Islet est bien antérieur à celui de Montmagny ou même de Rivière-du-Loup qui, il n'y a pas si longtemps encore s'appelait Fraserville. Les quatre MRC qui forment notre actuelle circonscription sont comprises dans cette portion de territoire que Samuel de Champlain désignait déjà sous le nom de Côte-du-Sud. Pourquoi ne pas retenir ce nom plutôt que tout autre?

Et si l'on veut à tout prix inclure une modification de nom, nous osons suggérer que l'on retienne celui de « Taché ». Jean-Pascal Taché, le premier porteur de ce patronyme au Canada, était un prospère marchand et négociant qui a brillamment réussi en affaires dans la région de Mingan et des côtes du Labrador. Il fut aussi capitaine de milice du gouvernement de Québec. À la suite de la capitulation de Québec, il fut parmi les premiers canadiens à être appelés comme membre du grand jury d'accusation du district de Québec. En outre, Jean-Pascal Taché avait épousé Marie-Anne Jolliet, petite-fille de l'explorateur Louis Jolliet.

Plusieurs de ses descendant ont laissé leur marque sur le territoire de notre circonscription électorale et ce nom, nous semble-t-il, conviendrait parfaitement à désigner notre électorat au plan canadien. On n'a qu'à songer à Étienne-Pascal Taché, médecin de Montmagny l'un des Pères de la confédération canadienne qui fut en outre Premier Ministre du Canada de 1855 à 1857. Songeons aussi à Joseph-Charles Taché, médecin, essayiste et nouvelliste né à Kamouraska qui fut notamment député conservateur à la Chambre d'assemblée du Canada-uni et sous-ministres de l'Agriculture du Canada de 1860 à 1888.

D'autres descendants de Jean-Pascal Taché se sont aussi illustrés sur la scène québécoise et même canadienne. Ce fut notamment le cas d'Eugène-Étienne Taché, ingénieur et architecte aussi natif de Montmagny. D'abord sous-ministre des terres de la Couronne, il est reconnu comme l'architecte de l'hôtel du Parlement de Québec et de la devise « Je me souviens » que l'on peut encore lire sur toutes nos plaques d'immatriculation.

Et il y a encore Alexandre-Antonin Taché, prêtre Oblat né à Rivière-du-Loup qui fut d'abord évêque-coadjuteur (1850-1853) puis second évêque et premier Archevêque de Saint-Boniface au Manitoba 1853-1894).

Comme vous pouvez le constater, ce nom de « Taché » est particulièrement représentatif de notre région est aurait le grand mérite de faire disparaitre tout esprit de clocher qui anime particulièrement les régions de Montmagny et de Rivière-du-Loup.

Voilà donc, mesdames, messieurs, les observations que nous voulions soumettre à votre attention en souhaitant vivement que les limites de notre circonscription soient maintenues dans leur état actuel et que son nom soit modifié pour adopter un nom qui représente l'immense engagement social, politique et religieux d'illustres personnage nés et actifs dans notre région.

  • c.c. : Bernard Généreux, député de Montmagny-L'Islet-Kamouraska-Rivière-du-Loup
  • Médias régionaux
  • Les administrateurs de la Société d'histoire et de généalogie de la Côte-du-Sud,
  • Par Gaétan Godbout, président ex-officio et René Gagnon, vice-président

La Pocatière, le 2 septembre 2022

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