Redécoupage des circonscriptions fédérales de 2022

Partie I : Introduction et aperçu

Après chaque recensement décennal, une commission indépendante de délimitation des circonscriptions électorales est formée dans chaque province. Elle est chargée d'établir, ou plus précisément de réviser, les limites des circonscriptions fédérales afin de refléter les changements et les mouvements de la population de la province. La procédure de révision est détaillée dans la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales, L.R.C. 1985, ch. E-3 (la Loi).

La Commission de délimitation des circonscriptions électorales fédérales pour la province du Nouveau-Brunswick a été constituée le 1er novembre 2021. La présidente de la Commission, la juge Lucie A. LaVigne de la Cour d'appel du Nouveau-Brunswick, a été nommée par le juge en chef du Nouveau-Brunswick. Les autres membres, nommés par le président de la Chambre des communes, sont M. Condé Grondin, docteur et professeur retraité en science politique à l'Université du Nouveau-Brunswick, et l'honorable Thomas Riordon, juge retraité à la Cour du Banc de la Reine du Nouveau-Brunswick et vice-président de la Commission. M. Riordon était membre de la précédente Commission de délimitation des circonscriptions électorales fédérales pour le Nouveau-Brunswick en 2012-2013. M. Grondin était membre de la Commission sur la délimitation des circonscriptions électorales et la représentation du Nouveau-Brunswick de 2012.

La Commission doit proposer une nouvelle carte électorale pour la province du Nouveau-Brunswick, consulter les Néo-Brunswickois au moyen d'audiences publiques et examiner les observations écrites. Elle doit ensuite présenter un rapport exposant ses réflexions et proposer une carte électorale à la Chambre des communes. De plus, la Commission doit étudier les oppositions des députés et rédiger un rapport définitif qui présente les limites des circonscriptions de la province.

Au moment de déterminer les limites, la Commission tiendra compte des commentaires reçus de la part du public et des députés. Toutefois, en tant qu'entité indépendante, elle prend toutes les décisions définitives concernant les nouvelles limites des circonscriptions.

Le point de départ ─ le recensement de 2021

Selon le recensement de 2021, la population de la province s'élève à 775 610 habitants. Le Nouveau-Brunswick est représenté à la Chambre des communes par 10 députés, et doit donc être divisé en 10 circonscriptions. La division de la population totale par 10 donne un quotient électoral de la province de 77 561 habitants pour chaque circonscription. De 2011 à 2021, la province a connu une augmentation démographique; elle est passée de 751 171 à 775 610 résidents; il s'agit là d'une hausse de 24 439 personnes ou de 3,25 %. La croissance a été plus rapide dans certaines régions que dans d'autres : Moncton et Dieppe ont affiché les plus fortes croissances, enregistrant une hausse de 10,5 % et 10,8 % respectivement.

Le tableau 1 ci-dessous présente les circonscriptions actuelles ainsi que leur chiffre de population tiré du recensement de 2021 et indique les écarts actuels par rapport au quotient électoral de la province (de 77 561) si aucune modification ne devait être apportée aux limites des circonscriptions.

Tableau 1 – Populations des circonscriptions actuelles et écarts par rapport au quotient électoral de la province de 77 561
Circonscription fédérale Population en 2021 Écart (%)
Acadie—Bathurst 77 594 0,04
Beauséjour 88 797 14,49
Fredericton 87 436 12,73
Fundy Royal 83 721 7,94
Madawaska—Restigouche 60 184 -22,40
Miramichi—Grand Lake 57 520 -25,84
Moncton—Riverview—Dieppe 101 237 30,53
Nouveau-Brunswick-Sud- Ouest 67 781 -12,61
Saint John—Rothesay 81 996 5,72
Tobique—Mactaquac 69 344 -10,59

Parité électorale et représentation effective

Aux termes de l'article 15 de la Loi, le chiffre de la population de chacune des circonscriptions doit correspondre au quotient électoral de la province dans la mesure du possible. La Loi exige que la Commission tienne compte de plusieurs autres facteurs, mais elle lui permet aussi de déroger du quotient chaque fois que l'écart lui paraît nécessaire ou souhaitable :

  1. pour respecter la communauté d'intérêts ou la spécificité d'une circonscription de la province ou son évolution historique;
  2. dans le souci de faire en sorte que la superficie des circonscriptions dans les régions peu peuplées, rurales ou septentrionales de la province ne soit pas trop vaste.

Tout en tenant compte de ces facteurs, la Commission doit veiller à ce que, sauf dans des circonstances qu'elle considère extraordinaires, l'écart entre la population de chaque circonscription de la province et le quotient n'excède pas ±25 %.

Les décisions de la Commission doivent également être guidées par la Charte canadienne des droits et libertés, qui garantit aux Canadiens le droit de voter aux élections fédérales et provinciales. Dans l'affaire Renvoi : Circonscriptions électorales provinciales (Sask.) [1991] 2 R.C.S., 158 (arrêt Carter), la Cour suprême du Canada a déterminé que l'objet du droit de vote garanti à l'article 3 de la Charte n'est pas l'égalité du pouvoir de vote, mais le droit à une "représentation effective" (p. 182). L'affaire portait sur une carte électorale de la province de la Saskatchewan qui présentait d'importants écarts par rapport à la représentation selon la population au profit des électeurs ruraux et au détriment des électeurs urbains. La Cour a déterminé que la représentation effective suppose la parité électorale comme principal objectif, mais autorise des dérogations pour des raisons telles que la géographie, l'histoire et les intérêts de la collectivité et la représentation des groupes minoritaires [...] afin de représente[r] réellement la diversité de notre mosaïque sociale (p. 184).

Chacun de ces facteurs peut en effet, tout comme la population de la circonscription, influer sur la capacité du député de représenter effectivement les habitants de sa circonscription. La dérogation à la parité électorale est admise si elle permet de mieux gouverner l'ensemble de la population. Le concept de la représentation effective est essentiel au bon fonctionnement de la démocratie canadienne.

Étant donné que la Commission est une institution fédérale, elle doit s'acquitter de certaines obligations liées à l'engagement du gouvernement du Canada de favoriser le développement et l'épanouissement des minorités linguistiques francophones et anglophones du Canada. La Commission doit donc tenir compte des répercussions de ses décisions sur la communauté de langue officielle en situation minoritaire; au Nouveau-Brunswick, cela correspond à la communauté francophone. La province du Nouveau-Brunswick a une forte présence de francophones et d'Acadiens; la représentation effective de cette minorité linguistique est un objectif important, surtout au Nouveau-Brunswick qui est la seule province canadienne officiellement bilingue.

La Commission s'est efforcée de parvenir à une représentation effective des Néo-Brunswickois au Parlement. En raison des régions peu peuplées du nord de la province, de la topographie de certaines circonscriptions et du profil linguistique du Nouveau-Brunswick, le découpage des circonscriptions a présenté un certain nombre de défis.

Participation du public

La Commission a demandé au public de participer à l'élaboration de son projet de redécoupage initial en l'invitant à lui faire part de commentaires et suggestions par écrit. Nous avons reçu plusieurs observations, dont certaines sont mentionnées dans les deux paragraphes qui suivent et dans la partie II du présent document. La Commission tient à remercier toutes les personnes qui ont présenté des observations aux fins d'examen lors des consultations préliminaires. Les observations ont mis en lumière bon nombre de questions sur lesquelles la Commission s'est penchée. Certains propos se contredisaient. La Commission n'a pas pu satisfaire toutes les demandes. Toutefois, de nombreuses suggestions ont été intégrées à la présente proposition, certaines dans leur intégralité et d'autres en partie.

Nous avons reçu un mémoire de la Société de l'Acadie du Nouveau-Brunswick qui résume son point de vue des principes applicables en plus des obligations et des responsabilités de la Commission conformément à la Loi, à la Charte et à la jurisprudence. La Société a souligné que le Nouveau-Brunswick compte actuellement trois circonscriptions majoritairement francophones (Acadie—Bathurst, Beauséjour et Madawaska—Restigouche), une circonscription bilingue (Moncton—Riverview—Dieppe) et six circonscriptions majoritairement anglophones (Fredericton, Fundy Royal, Miramichi—Grand Lake, Nouveau-Brunswick-Sud-Ouest, Saint John—Rothesay et Tobique—Mactaquac) et dit espérer que ce sera toujours le cas au terme du processus de redécoupage. La Commission est d'avis que sa proposition préserve le statu quo quant au profil linguistique des circonscriptions.

La réforme de la gouvernance locale est en cours au Nouveau-Brunswick. Cependant, les nouvelles limites des administrations locales ne sont pas censées entrer en vigueur avant le 1er janvier 2023. Par conséquent, comme il est indiqué à l'annexe à la description des circonscriptions : partout où il est fait usage d'un mot ou d'une expression pour désigner une division territoriale, ce mot ou cette expression indique la division territoriale telle qu'elle existait ou était délimitée le premier jour de janvier 2021, à moins d'indication contraire. Nous avons fait une seule exception à la règle générale. À la demande de la Ville de Fredericton, nous avons ajouté, dans la circonscription proposée de Fredericton—Oromocto, l'ensemble du territoire qui devrait être inclus dans les limites de la ville de Fredericton au terme du processus de réforme de la gouvernance locale. La Commission se réserve le droit de réviser les divisions territoriales afin de tenir compte de l'intégralité ou d'une partie de la réforme de la gouvernance locale si elle conclut qu'il est nécessaire de le faire avant de soumettre son rapport définitif.

Proposition initiale

Comme le montre le tableau 1, on constate que la circonscription actuelle de Moncton— Riverview—Dieppe affiche une population qui excède de 30,53 % le quotient électoral de la province, alors que Miramichi—Grand Lake enregistre un écart de -25,84 %. La Commission est d'avis qu'aucune circonstance extraordinaire ne justifie un écart de ±25 % par rapport au quotient électoral dans une circonscription du Nouveau-Brunswick. Compte tenu de ce qui précède, il est clair que des changements à la carte électorale de la province sont nécessaires.

Par ailleurs, la Commission reconnaît qu'elle ne doit pas effectuer de changements pour le simple plaisir de la chose. Elle s'est donc attelée à la tâche dans le but de réduire au minimum les répercussions sur les limites actuelles, tout en tenant compte des principes énoncés dans la Charte, la jurisprudence et l'article 15 de la Loi. Cela dit, des changements apportés à une ou plusieurs limites d'une circonscription entraînent nécessairement des modifications aux limites des circonscriptions voisines, ce qui peut déclencher une réaction en chaîne. Dans cette proposition, toutes les circonscriptions du Nouveau-Brunswick ont été modifiées — certaines plus que d'autres — pour favoriser la parité électorale relative tout en préservant la représentation effective.

Dans le cadre de son mandat, la Commission a examiné le nom des dix circonscriptions. En raison des changements proposés aux limites, la Commission a également jugé bon de modifier le nom de cinq circonscriptions pour mieux décrire leur situation géographique. Au Nouveau- Brunswick, les noms des circonscriptions correspondent habituellement à des caractéristiques géographiques et à des noms de lieux revêtant une importance historique. En effet, l'importance historique et culturelle de noms comme Madawaska—Restigouche et Tobique—Mactaquac est énorme pour les résidents de ces circonscriptions. C'est pourquoi nous ne recommandons pas de changer de nom malgré des modifications proposées aux limites de ces circonscriptions.

À la suite d'un examen approfondi, la Commission propose d'établir les circonscriptions ayant les noms et les chiffres de population suivants (tableau 2).

Tableau 2 – Populations des circonscriptions proposées et écarts par rapport au quotient électoral de la province de 77 561
Circonscription fédérale Population en 2021 Écart (%)
Acadie—Bathurst 79 581 2,60
Beauséjour 88 490 14,09
Fredericton—Oromocto 85 540 10,29
Fundy Royal—Riverview 74 261 -4,25
Madawaska—Restigouche 71 099 -8,33
Miramichi—Grand Lake 59 725 -23,00
Moncton—Dieppe 91 333 17,76
Saint John—Kennebecasis 81 954 5,66
Saint John—St. Croix 78 963 1,81
Tobique—Mactaquac 64 664 -16,63

Deux circonscriptions existantes dépassaient l'écart maximal permis de ±25 %, et une autre s'en approchait. Dans sa proposition, la Commission a effectué un redécoupage qui rapproche la plupart des circonscriptions du quotient électoral de la province et améliore la parité électorale relative, dans la mesure où aucune circonscription ne dépasse désormais l'écart maximal permis de +25 % et l'écart par rapport au quotient électoral de la majorité des circonscriptions se situe à 10,29 % ou moins. La Commission est convaincue que les limites proposées permettront une représentation effective.

La partie I du présent document expose les raisons générales de son plan de redécoupage proposé, alors que la partie II contient une description narrative de toutes les circonscriptions proposées, un aperçu des changements proposés de chaque circonscription et des raisons des changements précis qui ont été apportés.

Conformément à la Loi, la Commission doit tenir des audiences publiques en vue d'entendre les observations que les personnes désirent formuler à l'égard de son plan de redécoupage proposé avant de soumettre son rapport définitif au directeur général des élections du Canada. La date et le lieu de ces audiences se trouvent à la partie III. Les règles adoptées par la Commission en vue de ces audiences et de la présentation des observations sont énoncées aux parties IV et V de la présente proposition. La description légale et les cartes géographiques des circonscriptions proposées sont fournies à l'annexe.

Nous espérons que toutes les parties intéressées nous présenteront leurs observations par écrit, ou en personne lors des audiences publiques. La Commission est consciente que les questions telles que la communauté d'intérêts, la spécificité, l'évolution historique et la superficie d'une circonscription sont sujettes à diverses interprétations, qu'elles soient prises au sens large ou abordées dans le contexte d'une circonscription en particulier. La Commission encourage les observations sur ces questions.

Des services d'interprétation simultanée seront offerts dans les deux langues officielles à toutes les audiences.